Du côté de mon grand-père paternel, toute une branche de la
famille est originaire de la Sologne.
En remontant le fil, depuis mon arrière-grand-mère,
Madeleine Augustine Laubret, qui se maria en l'église Saint-Pierre de
Montmartre, j'arrive à un certain Etienne
Dazon, baptisé au milieu du XVIIe siècle à Selles-Saint-Denis,
dans l'actuel département du Loir-et-Cher. Un de mes ancêtres à la dixième
génération.
Son parrain s'appelait Estienne Rinquedieu, ce qui est pour
le moins original, mais ce n'est pas de cela que je veux vous entretenir
aujourd'hui.
Parvenu à l'âge adulte, Etienne Dazon fut laboureur, comme
l'étaient ses frères et comme l'était leur père avant eux. Il vécut à Orçay, pauvre bourg de moins de deux
cents âmes à quelques lieues au nord de Vierzon, dans un pays d'étangs, de
landes et de marécages. Sa première épouse, Silvine Leborne lui donna trois
enfants, avant de mourir en accouchant du quatrième, en avril 1689.
Environs d'Orçay, Source Géoportail |
Etienne attendit février 1692 pour épouser en secondes noces
une certaine Marie Salmon et là, surprise, le curé a couché dans le registre
paroissial ce qu'il appelle les "articles
de mariage" ! Le texte clôt l'année 1692, après la succession des
actes de baptême, de mariage et de sépulture.
Après avoir indiqué l'identité des époux et nommé les
témoins de l'accord entre les parties, le prêtre précise que "les cérémonies de la Sainte Eglise observées
les dits futurs époux iront au mesme hostel et maison pour y demeurer uns et
communs en tous leurs biens meubles et immeubles présents et à venir acquest et
conquest".
Il précise le montant de la dot apportée par l'épouse (deux
cents livres), le douaire(1)
(quarante écus sans enfant, mais seulement vingt avec enfant), les objets qui
reviendront au survivant (bagues et joyaux, meilleurs chefs d'habits, lit et
coffre), ainsi que les règles de partage en cas de décès. Ce qui me permet au
passage de noter que, sur les quatre enfants du premier mariage d'Etienne
Dazon, deux seulement sont vivants à la date où est conclue la convention.
Lesquels, cela n'est pas précisé.
Bref, tout ceci ressemble fort à un véritable contrat de
mariage, habituellement du ressort du notaire.
Il ne s'agit pas d'un cas isolé. En feuilletant les
registres, j'ai trouvé sept autres de ces "articles de mariage", datés respectivement de 1679, 1681 et
1700. Les mariages sont évidemment plus nombreux. Alors je m'interroge :
quelle est la motivation des futurs époux pour s'adresser au curé plutôt qu'au
notaire ? S'agit-il de raisons financières, de difficultés de transport,
de vacance provisoire des charges notariales ? Je n'ai pas la réponse.
Ce second mariage ne dura guère, rendant sans doute caduques
les dispositions prises : Etienne Dazon fut porté en terre dix-huit mois
plus tard, le 12 août 1693, et son épouse l'y rejoignit sept mois après,
le 25 mars 1694. Aucun enfant n'était issu de cette union. Le royaume de France
était entré dans ce qu'un historien(2)
a appelé les années de misère…
(1) Selon le Dictionnaire de l'Ancien Régime, usufruit sur les biens du mari
défunt, qui permet à la veuve de survivre en percevant des revenus, sans être
propriétaire des biens.
(2) Marcel Lachiver, Les années de misère, la
famine au temps du Grand Roi, Fayard, 1991
Avec ta sagacité habituelle, tu as encore déniché des pépites dans les vieux registres, qui doivent pourtant être difficiles à déchiffrer. C'est une chance de les trouver en ligne, surtout. Ce n'est pas le cas dans toutes les régions. En tous cas, tu nous régales avec la petite histoire de tes ancêtres, rapportée à la grande histoire de la France. Un vrai plaisir !
RépondreSupprimerIl se trouve que les curés d'Orçay à cette époque avaient une écriture remarquablement lisible. Si tous avaient écrit comme eux, les cours de paléographie seraient inutiles !
SupprimerMention insolite très intéressante et instructive !
RépondreSupprimerMerci pour cette mention tout à fait insolite ! Je n'ai jamais vu de tels propos dans les registres paroissiaux. A priori, d'après la description des biens, les mariés ne semblent pas miséreux. A voir si cela existe dans les paroisses voisines ?
RépondreSupprimerla généalogie est une source d'histoire, de témoignages, anecdotes pour celui qui consulte, lit les registres paroissiaux plutôt que de recopier ce que d'autres ont collecté. Merci de nous en faire part par votre blog
RépondreSupprimerIl était fréquent que les notaires se mettent d'accord avec les curés de leur zone d'activité pour que ceux-ci leur collectent des "clients", le plus souvent dans leurs testaments, mais parfois aussi pour leurs contrats de mariage. Le notaire y gagnait un acte de plus, et il reversait une partie de la rémunération au curé. Quant aux familles, elles s'évitaient le déplacement. C'était du gagnant-gagnant pour tout le monde.
RépondreSupprimerLa particularité de votre cas, c'est que le curé a noté cela directement sur les registres paroissiaux. Par souci d'économie de papier, sans doute...
Cette pratique des curés-notaires sous l'Ancien Régime est assez courante dans ce qui est la Belgique d'aujourd'hui et même la région lilloise mais les actes sont rédigés à part des registres paroissiaux.
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