lundi 16 octobre 2017

Le curé qui cherchait la clef



Après l'agitation de la décennie précédente, le bourg d'Aucun semble maintenant renouer avec une vie plus paisible. Le Concordat de 1801, signé par Joseph Bonaparte et ratifié par le Pape, a pacifié les relations entre l'Eglise et l'Etat, en apparence tout au moins.

En novembre 1803, l'une des premières tâches du nouveau maire, Joseph Nadalle(1), consiste à évaluer les dépenses nécessaires à l'exercice du culte : rachat du presbytère, réparations diverses dans l'église et dans la maison du curé, achat de mobilier, location d'un logement pour le vicaire de Labat. Le tout est estimé à 636 francs pour l'église Saint-Félix et à 120 francs pour l'église du quartier de Labat, éloignée du centre du bourg.

La prise de possession de l'église

Le dimanche 29 janvier 1804, c'est donc l'installation du nouveau curé, désigné, semble-t-il, par l'évêque de Bayonne. François Serez prend officiellement possession de sa paroisse et la cérémonie se déroule avec une certaine solennité.

Eglise d'Aucun, collection personnelle

Après la lecture "à haute et intelligible voix de son institution canonique" et la prestation de serment de fidélité au gouvernement prévue par le Concordat, François Serez est conduit dans le chœur. Il s'incline devant l'autel et devant les Evangiles, ouvre le tabernacle et bénit les paroissiens assemblés avec le ciboire(2).

Il est ensuite conduit aux fonts baptismaux, de là au confessionnal où il s'assoit un instant, puis vers la cloche qu'il fait "tinter", enfin vers la chaire où il s'assied pour parler au peuple.

Outre le paraphe du nouveau curé, le procès-verbal est signé par Bernard Prat, le prêtre qui l'a assisté, le maire Joseph Nadalle, ainsi que plusieurs notables dont les noms sont régulièrement apparus dans les actes municipaux de la décennie écoulée. Parmi eux, je reconnais la signature de mon ancêtre Alexis Fourcade.

L'affaire des confessions

Mais des tensions ne tardent pas à apparaître dans le bourg d'Aucun. Dès la mi-mars 1804, soit un mois et demi à peine après son installation, le nouveau curé est convoqué devant le maire et son conseil.

De quoi s'agit-il ? Il sème le trouble et l'inquiétude parmi ses paroissiens en leur affirmant que les confessions des douze dernières années sont à refaire ! Et pourquoi donc ? Eh bien, parce qu'elles ont été entendues par des prêtres jureurs et que, ces derniers ayant été condamnés par le pape, le sacrement de pénitence dispensé par eux n'est pas valable…

François Serez campe sur ses positions. Devant son opiniâtreté, le maire décide d'adresser une pétition à qui de droit.

Un jeu de cache-cache

L'affaire dégénère bientôt. Le 8 avril suivant, jour de Quasimodo(3), pas de curé à la messe dominicale de 10 heures, et pas davantage de prêtre pour célébrer les vêpres ! Même constat, le dimanche suivant 15 avril.

Le 10 mai, jeudi de l'Ascension, c'est au tour du curé de se plaindre. Il se rend chez le sieur Casajoux, adjoint du maire : impossible de mettre la main sur la clef qui ouvre la porte de l'église !  L'adjoint ne l'a pas et le sacristain non plus. Mais ce dernier précise que le maire est passé la retirer la veille…

Bref, c'est la guerre entre le maire et le curé. Cela ne vous rappelle rien ?

Le registre des actes communaux reste muet sur la fin de cette querelle, mais je ne puis m'empêcher d'imaginer les allées et venues d'un homme en noir, martelant le chemin entre l'église et la mairie d'un pas vindicatif, sa soutane virevoltant de part et d'autre de sa personne…



(1) En vertu de la Constitution de l'an VIII (13 décembre 1899), les maires et autres fonctionnaires publics sont choisis par l'Etat ou son représentant, le préfet, sur une liste de confiance résultant du vote des citoyens.

(2) Vase muni d'un couvercle, dans lequel sont placées les hosties consacrées.

(3) Il s'agit du premier dimanche après Pâques.

2 commentaires:

  1. Ton dynamique pour ce billet, j'imagine le bas de la soutane chargé de la poussière du chemin !
    Ceci étant en Savoie j'ai trouvé un curé vers la même période soucieux de la validité des baptêmes...

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    1. J'ai eu beaucoup de chance de trouver tous ces détails dans le registre des actes communaux.

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