S'il est bien un sujet qui fâche au temps de la Révolution,
c'est celui de la religion ! La municipalité d'Aucun n'y échappe pas et ses
relations avec les gens d'église varient au rythme de décisions prises pourtant
à des centaines de lieues du bourg pyrénéen.
Eglise d'Aucun Collection personnelle |
Le registre des actes communaux en est le reflet. Sur les
235 items que comprend la période qui s'étend de janvier 1790 à
juin 1805, une cinquantaine traite des affaires religieuses.
La constitution
civile du clergé
Elle oblige les prêtres à prêter serment à la nation, à la
loi et au roi, ce qui ne semble pas, dans un premier temps, présenter de
difficulté particulière à Aucun : Pierre Montauban, archiprêtre et curé de
la paroisse Saint-Félix, et Jean Lassalle Bazaillac, son vicaire, s'y prêtent
volontiers.
Le 20 janvier 1791, ils se présentent au greffe de la
municipalité pour déclarer leur intention de se conformer au décret, et le
dimanche 23 janvier, à l'issue de la messe, c'est chose faite. Ils ne sont
manifestement pas réfractaires dans l'âme. Pierre Montauban renouvellera d'ailleurs
ce serment, dont la formulation varie au fil du temps, en septembre 1792,
en juin et novembre 1795, enfin en octobre 1797.
Le 1er janvier 1793, le même Pierre Montauban
remet sans difficulté aux instances civiles les volumes des registres
paroissiaux qu'il conservait au presbytère, et ce d'autant plus volontiers
qu'il vient d'être nommé officier public, chargé de la tenue de l'état civil.
La période de la
Terreur
Sur le plan religieux, elle se traduit notamment par la
fermeture des églises et par l'interdiction faite aux prêtres d'occuper tout
poste public. Les choses se gâtent donc pour les paroissiens d'Aucun.
L'occasion rêvée pour Jean Massot, agent national déjà
évoqué dans un précédent billet(1),
de manifester sa pugnacité révolutionnaire. Le 9 avril 1794, d'une plume
acérée, il demande la démission des prêtres, le démontage de la cloche de
l'église, la démolition du clocher, l'inventaire du linge et de l'argenterie et
leur livraison au district d'Argelès(2).
Rien que cela !
Trois jours plus tard, plusieurs prêtres, dont Pierre
Montauban curé du lieu, se présentent sur convocation devant le conseil et
demandent des délais de deux à cinq semaines pour se déterminer ou pour
présenter leurs lettres de prêtrise(3).
Peut-être espèrent-ils que l'affaire va se tasser s'ils font profil bas ?
Ce n'est pas très clair, mais il semble bien que, à nouveau
convoqués le 2 août suivant, six d'entre eux obtiennent du maire une sorte
de certificat de bonne conduite républicaine. Tous affirment s'être retirés
dans la commune et ne pas avoir de succession (sous-entendu dans leurs
fonctions de ministres du culte ?). Deux d'entre eux, qualifiés d'abdicataires,
réclament même "l'indemnité fixée
par le décret relatif aux secours", car ils sont sans ressource. De
Pierre Montauban, il n'est alors pas question.
Un autre document m'intrigue. Il s'agit d'un texte signé de
deux membres du comité révolutionnaire d'Argelès, nommés commissaires "pour se transporter dans les différentes
communes du canton d'Aucun à l'effet de prendre des renseignements eu égard à
des rassemblements de ci devant prêtres".
Les deux commissaires se nomment Pambrun et… Fourcade !
J'ai un peu de mal à reconnaître la signature, mais il n'est pas impossible
qu'il s'agisse de mon ancêtre Alexis Fourcade. Leur souci du moment : le
respect des fêtes nationales et décadaires, en lieu et place du dimanche, et
l'interdiction de l'usage des cloches.
Le rétablissement de
la liberté de culte
En février 1795, quelques jours à peine après les accords de
La Jaunaye(4),
la Convention signe un décret proclamant la liberté des cultes et la séparation
de l'Eglise et de l'Etat.
L'ambiance a également changé à Aucun. Le dimanche 24 mai 1795, jour de la
Pentecôte, alertés par le tumulte, le maire et ses collègues se rendent devant
l'église : "nous y avons trouvé
le peuple assemblé, la porte de l'église ouverte, faisant un tintamarre affreux
et particulièrement contre la municipalité" ! Il a beau les
exhorter, rien n'y fait, les femmes sont les plus virulentes et s'en vont
chercher le curé.
Jean Berot, maire, Alexis Fourcade, Pierre Lacabane,
officiers municipaux et Jean Prat, procureur, précisent bien que "ils ont cédé à la force et se sont privés
d'entendre la messe dans l'église afin de ne pas être rebelles aux lois" !
À plusieurs reprises, la municipalité rappellera encore l'interdiction
des cloches (qui n'ont donc pas été démontées, de même que le clocher n'a pas
été mis à bas), mais dès janvier 1797 des sacristains(5)
et des marguilliers(6)
seront nommés et renouvelés chaque année à pareille époque.
Néanmoins, d'autres difficultés se profilent à l'horizon.
J'y reviendrai la semaine prochaine.
(2) Il s'agit bien entendu d'Argelès-Gazost, à quelques kilomètres d'Aucun.
(3) Documents délivrés par l'autorité ecclésiastique, attestant de la qualité de
prêtre de celui à qui elles sont accordées. Les remettre à une autorité civile,
c'était donc renoncer à exercer un quelconque sacerdoce.
(4) Traité accordant l'amnistie aux Vendéens et leur reconnaissant la liberté de
culte.
(5) Personne chargée de l'entretien de l'église.
(6) Membre du conseil de fabrique qui administre les biens de l'église.
A propos des marguilliers, j'ai appris dans ma jeunesse un chant de Noël ancien dont les paroles disaient :
RépondreSupprimerOn entend aux cloches proches
Gringoter les marguilliers
Qui s'accrochent sous les cloches
Pour nous faire réveiller"
Le verbe gringoter signifie chanter en ancien français.
Pour moi, les marguilliers étaient donc des "sonneurs".
J'ai repris la définition du Petit Larousse illustré. Le Dictionnaire des métiers donne une définition voisine, mais il peut y avoir des variantes d'une région à l'autre, je suppose.
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