Le 6 mars 1794, pardon, "le 16 ventôse l'an 2e de la République française une et
indivisible", sur les neuf heures du soir, c'est l'effervescence dans
le bourg d'Aucun : un malfaisant a abattu l'arbre de la liberté !
Les faits
Pierre Pujos, Mathieu Garcie et Jean Massot se rendent sur
les lieux du méfait. L'arbre, planté à proximité de la maison commune, a été
scié à trois pans au-dessus du sol (environ 65 centimètres) et s'est cassé
en deux dans sa chute.
Le maire, l'officier municipal et l'agent national font le
tour du bourg à la recherche du ou des coupables, sans grand succès (il doit
faire nuit noire à cette heure tardive), et décident de mettre les morceaux de
l'arbre à l'abri, avant de rédiger un procès-verbal. Ils ne veulent surtout pas
être accusés à tort.
Une semaine plus tard, le 13 mars, le comité de
surveillance d'Argelès (aujourd'hui Argelès-Gazost) pointe deux noms :
François Bergant et Jean Labernèze sont en fuite, c'est bien la preuve qu'ils
sont coupables ! Deux gendarmes sont dépêchés pour les arrêter, mais ils
ont beau faire le tour des maisons et visiter les granges… ils font chou blanc.
L'agent national Jean Massot s'impatiente. Flairant la
menace, André Cazajous, qui fut le premier maire élu d'Aucun en janvier 1790 et
dont l'épouse est une certaine Jeanne Bergant, se présente à la maison commune
le 26 mars à midi : il n'a pas vu François Bergant, "cadet de la maison", depuis le
3 mars dernier. Il ne lui a pas parlé depuis lors et il ignore où il se
cache.
Il déclare en outre que "tous les citoyens de la commune d'Aucun sont instruits savamment qu'il
n'a jamais été son supérieur" et "il demande que la présente déclaration soit couchée sur le registre en
cas de besoin". En ces temps troublés, il importe de se méfier des dénonciations,
elles pourraient rapidement avoir des conséquences plus que fâcheuses…
On fait bientôt donner la garde nationale. Le 29 mars, à
huit heures du soir, instruits par la rumeur, une dizaine d'hommes se rendent de
l'autre côté du gave d'Azun, au hameau de Terre Nère, à la recherche de Jean
Labernèze. Ils perquisitionnent les maisons Labernèze, Lacabane, Rousse, Bouic,
"fouillent dans tous les coins de
leurs bâtiments", en vain.
Deux jours plus tard, ils se transportent dans la section de
Labat, à la recherche de François Bergant. Cette fois, les perquisitions
s'effectuent chez Peinougué, Carrieu, Lacontre, Artigalets. Sans plus de
succès.
Mais bientôt, la municipalité a d'autres sujets de
préoccupation, nomination des instituteurs, question religieuse, réquisitions
diverses, et il n'est plus question de l'affaire dans le registre des actes
communaux. Peut-être faudrait-il consulter les archives du comité de
surveillance d'Argelès pour connaître le mot de la fin, c'est malheureusement un
peu loin de mon camp de base.
Les protagonistes
J'ai néanmoins tenté d'en apprendre davantage sur les deux
suspects. En l'absence de registres d'état civil numérisés pour la période
comprise entre 1790 et fin 1802, j'ai consulté les sites de Geneanet et de
Filae.
J'ai facilement identifié Jean Labernèze. Je savais déjà
qu'il était charpentier (c'est peut-être lui qui a manié la scie ?). Je
découvre qu'il a vingt-six ans au moment des faits et qu'il s'est marié l'année
précédente. Le voilà donc en cavale.
J'ai plus de difficultés avec François Bergant qui ne semble
pas avoir intéressé beaucoup de généalogistes jusqu'à présent. Peut-être
s'agit-il d'un beau-frère d'André Cazajous, puisqu'il semble plus ou moins attaché
à sa maison, mais je ne puis rien affirmer.
Rappel historique
Les arbres de la liberté, le plus souvent des chênes ou des
peupliers, ont repris la coutume plus ancienne des arbres de mai, destinés à
fêter l'arrivée du printemps.
Plantation d'un arbre de la liberté à Paris Source Gallica.bnf.fr |
Le premier aurait été planté en mai 1790 par le curé de Saint-Gaudent, dans le département de la Vienne, qui lança ainsi une mode. En 1792, on en comptait plus de 60 000 dans tout le pays, ornés de rubans ou de cocardes tricolores et parfois coiffés d'un bonnet phrygien.
Symbole républicain qui fut souvent déraciné durant la
Restauration, s'il n'avait pas dépéri auparavant… mais savez-vous qu'il
subsiste toujours à l'avers des pièces françaises de un et de deux euros ?
C'est joliment écrit, comme d'habitude, mais là, tu nous laisses sur notre faim... A moins que tu ne prépares la suite et le dénouement pour un prochain billet ?
RépondreSupprimerHélas non, je n'ai pas le fin mot de l'histoire. Il faudrait consulter des archives qui ne sont malheureusement pas en ligne et Tarbes est un peu loin de Vincennes…
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