Quel lien entre la Ceinture de la Vierge, Louis XI et
mes ancêtres Maitreau ? Peut-être une paroisse située aux confins de
l'Anjou et du Poitou, où je me suis rendue récemment : le Puy-Notre-Dame.
La Ceinture de la
Vierge
Il s'agit, selon la légende, d'une relique rapportée de
Palestine par Guillaume(1),
duc d'Aquitaine, au temps des premières Croisades. Celui-ci en fit don au
prieuré du Puy-Notre-Dame pour l'offrir à la vénération des fidèles.
Est-ce l'afflux des pèlerins ? L'église primitive fut
remplacée au XIIIe siècle par un édifice autrement plus imposant :
trois nefs de six travées, sur une longueur de cinquante mètres et une largeur
de quinze mètres, un transept, une abside à chevet plat, le bâtiment construit
sur une colline domine la campagne environnante.
La relique avait acquis la réputation d'être bénéfique pour
les femmes enceintes. Elle fut notamment prêtée à plusieurs reprises à l'épouse
de Louis XIII, Anne d'Autriche, qui peinait à donner un héritier au trône
de France.
Ceinture de la Vierge du Puy-Notre-Dame Collection personnelle |
Les reliquaires en métaux précieux dans lesquels elle était
conservée ont disparu avec l'Ancien Régime, mais elle est toujours visible
aujourd'hui dans une vitrine de la collégiale. Longue d'un mètre soixante et
large de quatre centimètres, protégée par un fourreau de soie, la ceinture est
en réalité dissimulée au regard. Seuls deux cabochons de cristal, offerts par
Anne d'Autriche, permettent à un œil exercé de l'apercevoir. L'ensemble est
complété par des fermaux(2)
en vermeil, gravés en 1537 par un orfèvre de Saumur.
Un collège de
chanoines fondé par Louis XI
L'occasion pour moi d'en apprendre davantage sur ces
chanoines que l'on rencontre souvent au détour d'une page, sans trop connaître
leur véritable rôle dans la religion catholique.
C'est en 1481 que Louis XI dicta le texte qui commence
ainsi :
"À tous présens
et à venir salut. Comme par cy-devant nous avons fait, fondé, donné, légué et
ausmoné à l'église du Puy Notre Dame en Anjou ou diocèse de Poictiers plusieurs
beaulx dons d'or, d'argent, droits, devoirs, privilèges, libertés,
prérogatives, rentes, proufits, revenus et émolumens pour le soustenement,
augmentation et accroissement du divin service fait, dit et célébré en ladite
église par certain nombre de gens d'église que nous y avons pour ce dès
longtemps ordonnés et establis et jusques à présent Dieu nostre créateur et la
très benoiste et très glorieuse Vierge Marie sa mère y ont été très
glorieusement et dévotement servis, loués et honorés…"
Après cette entrée en matière qui, dans le style de
l'époque, ne craint ni l'emphase ni les répétitions et se poursuit sur
plusieurs dizaines de lignes, il en vient enfin au vif du sujet :
"C'est à scavoir
que en ladicte église du Puy Nostre Dame y aura dès à présent et doresnavant
treize chanoines, tous estans en l'estat et ordre de prestrise, treize vicaires
et ung maistre et six enfans de cueur."
Louis XI nomme les premiers titulaires et précise par
le menu leurs diverses obligations : messe basse quotidienne en l'honneur
de divers saints, récitation de psaumes, service des heures canoniales
(matines, prime, tierce, midi, none, vêpres et complies), chant au cours des
grand-messes et fêtes solennelles, et jusqu'à leur place dans les stalles qui
entourent le maître-autel… Il en prévoit également le financement. Le tout pour
le salut du roi, de ses prédécesseurs et de ses successeurs, car c'est à cela
que servaient finalement les chanoines d'un collège royal.
Mes ancêtres Maitreau
Et les Maitreau dans tout ça ? Bien sûr, je ne remonte
pas aussi loin. Mes recherches généalogiques butent sur l'absence de registres,
leur mauvais état de conservation, les lacunes qu'ils comportent, sans parler
des difficultés à en déchiffrer les actes. Tout ce que je puis dire, c'est que
j'y relève le patronyme Maitreau dans ses différentes variantes orthographiques
dès l'année 1625, à une époque où la paroisse ne devait compter que quelques
centaines d'âmes.
Néanmoins, au début du XVIIIe siècle, l'un des
chanoines s'appelait René Mestreau. Difficile de savoir s'il est apparenté à
mes ancêtres directs, mais il officie à plusieurs reprises lors des baptêmes et
figure à ce titre dans ma base de données. Et son nom est curieusement mêlé à
l'histoire de la Ceinture de la Vierge.
Lorsque la restauration de l'enveloppe de protection fut
confiée aux religieuses du couvent des Récollets de Doué-la-Fontaine, sous le
Second Empire, on découvrit deux morceaux de papier. Le premier(3)
portait cette inscription :
"Le 3 août
1720, la couverture de damas blanc a été mise sur la Sainte Ceinture, en
présence de M. René Mestreau, chanoine et sacristain de Sainte-Marguerite,
et de M. Michel Loiseau, chanoine de Saint-Blaise."
Deux religieux dont la signature figure à moult reprises
dans les registres paroissiaux du Puy-Notre-Dame.
Je n'imaginais pas, lors de mon escapade dans le sud du
Maine-et-Loire, une telle rencontre avec l'Histoire.
Sources
Odile Métais-thoreau, Le
Puy Notre-Dame, Cheminements, 2000, 245 pages, ISBN 2-84478-132-2
Recueil général des
anciennes lois françaises, depuis l'an 420 jusqu'à la Révolution de 1789,
par MM. Isambert, avocat aux Conseils du Roi et à la Cour de Cassation,
Jourdan, docteur en droit, avocat à la Cour royale de Paris et Decrusy, ancien
avocat à la Cour royale de Paris, Belin-Leprieur, libraire, et Verdière,
libraire, 1825, Tome X, pages 834 à 845
G. de la Fuye, La
Ceinture de la Vierge du Puy Notre Dame, in Société des lettres, sciences
et arts du Saumurois, 1959, pages 21 à 35
Et sur la toile :
(1) Guillaume IX, dit le Troubadour, guerrier, poète et grand-père d'Aliénor
d'Aquitaine ; né en 1071 et mort en 1127.
(2) Fermail : objet d'orfèvrerie (boucle, agrafe, fermoir, etc.) servant à
tenir qqch fermé, nous dit le Petit Larousse illustré, avec son imparable
logique.
(3) Le
second papier est plus surprenant, dans la mesure où il indique la restitution
de deux morceaux de la relique, précédemment dérobés !
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