lundi 5 septembre 2016

Épidémie de dysenterie à Meslay-du-Maine

Je cherchais à en apprendre davantage sur mes ancêtres Chardon, originaires de villages à la limite de l'Anjou et du Maine, une famille où, sur plusieurs générations, on a tissé la laine pour fabriquer ce robuste tissu appelé serge. Je collectais les actes concernant les couples et leur nombreuse progéniture, lorsque je tombai sur une information plutôt rare : les causes du décès de François René, un mois avant son douzième anniversaire.

AD Mayenne BMS Meslay-du-Maine
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Une simple mention, inscrite par le vicaire dans la marge du registre des sépultures : "mort de la dissenterie" (sic). Nous sommes le 19 novembre 1779, à Meslay-du-Maine, dans l'actuel département de la Mayenne, à mi-chemin entre Laval et Sablé-sur-Sarthe.

Un rapide coup d'œil aux pages précédentes et je constate qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé !

P. Fournier, qui fut successivement prêtre sacriste, puis vicaire, puis curé de Meslay, a jugé utile d'insérer une note : "La dissenterie (sic) a commencé ici vers la mi septembre et n'a été mortelle que par une complication de fièvres putrides. Aucun parent des morts n'a assisté à leurs sépultures c'est pourquoi qu'on ne soit pas surpris de ni (!) voir pour témoins que les porteurs."

Quelle fut l'ampleur de l'épidémie à Meslay ? Les chiffres parlent d'eux-mêmes. De janvier à septembre 1779, soit pour les neuf premiers mois de l'année, dix-sept décès, au rythme d'un à trois par mois. Trois ou quatre nourrissons, dont un anonyme "enfant baptisé à la maison et mort à l'instant", quelques enfants en bas âge, deux jeunes adultes, des hommes et femmes plus âgés et déjà veufs… Rien que de très classique pour les habitués des registres paroissiaux de l'Ancien Régime.

Puis, brusquement, l'épidémie fait son apparition : dix-huit décès pour le seul mois d'octobre (plus que durant les neuf premiers mois de l'année), dix en novembre et encore sept en décembre. L'année 1780 semble moins meurtrière : trente-cinq actes de sépulture, de janvier à décembre. Seul le sieur Bernard Goujon, marchand aubergiste de son état, aurait succombé à la dysenterie le 24 octobre 1780 au soir.

Certaines familles sont durement touchées. Chez les Brehin, au hameau des Guénaudières et à la Réhaurie, trois garçons de huit à vingt-et-un ans, une fille de quatorze ans et deux domestiques laboureurs. Chez les Gauteur, au Plein Chesne, Barbe Brehin, la veuve d'Etienne, et trois de ses enfants, qui avaient respectivement vingt-deux, vingt-quatre et trente-deux ans. Chez les Meslin, au Chesne rond, le père âgé de trente-huit ans et trois de ses enfants. Dans le bourg, chez Jacques Laurent, jardinier, et son épouse Perrine Recoquillé, trois enfants en dix jours, dont la petite Henriette quelques heures à peine après sa naissance.

J'ai bien sûr voulu en savoir davantage. Un article (1) des Annales de démographie historique, reproduit sur le site Persée, nous apprend qu'une épidémie de dysenterie est effectivement apparue en France en juillet 1779. Elle se serait propagée à partir de la Bretagne, touchant rapidement les régions limitrophes : Anjou, Maine, Poitou, Aunis, Saintonge, Normandie, Guyenne.

Selon l'auteur de l'article, elle aurait suivi "les grandes routes parcourues par les soldats, les colporteurs, les pèlerins, les ouvriers saisonniers, les vagabonds". Elle aurait surtout touché les zones rurales, là où l'alimentation insuffisante et peu variée, le manque d'hygiène et les préjugés à l'égard des remèdes prescrits par les médecins auraient offert un terrain favorable au développement d'une dysenterie de type bacillaire, très contagieuse.

Les historiens estiment à 175 000 le nombre de morts de dysenterie dans l'ensemble du royaume pour cette seule année 1779, à une époque où la France comptait à peu près 26 millions d'habitants. Quant à la population de Meslay-du-Maine, elle devait être de l'ordre de 1 200 personnes…



(1) François Lebrun, Une grande épidémie en France au XVIIIe siècle : la dysenterie de 1779, article in Annales de démographie historique.

1 commentaire:

  1. J'ai un problème comme celui ci, mais 10 ans plus tard dans le Pas-de-Calais. De Octobre 1788 à janvier 1789 4 jeunes adultes de 20 à 30 ans et leur père sont décédés dans une branche collatérale de mes ancêtres. Je sais seulement que l'hiver 1788-1789 avait été extrêmement glacial et qu'il y avait de la disette un peu partout (précurseur de la Révolution.) C’était une famille de 13 enfants. Surement qu'ils n'avaient pas les ressources nécessaires pour survivre et que le reste de la famille n'avait pas grand-chose non plus à partager. Annick H.

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