Je cherchais à en apprendre davantage sur mes ancêtres
Chardon, originaires de villages à la limite de l'Anjou et du Maine, une
famille où, sur plusieurs générations, on a tissé la laine pour fabriquer ce
robuste tissu appelé serge. Je collectais les actes concernant les couples et
leur nombreuse progéniture, lorsque je tombai sur une information plutôt
rare : les causes du décès de François René, un mois avant son douzième
anniversaire.
AD Mayenne BMS Meslay-du-Maine 4E184/4 vue 223/551 |
Une simple mention, inscrite par le vicaire dans la marge du
registre des sépultures : "mort
de la dissenterie" (sic). Nous sommes le 19 novembre 1779, à
Meslay-du-Maine, dans l'actuel département de la Mayenne, à mi-chemin entre
Laval et Sablé-sur-Sarthe.
Un rapide coup d'œil aux pages précédentes et je constate
qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé !
P. Fournier, qui fut successivement prêtre sacriste, puis
vicaire, puis curé de Meslay, a jugé utile d'insérer une note : "La dissenterie (sic) a commencé ici vers la
mi septembre et n'a été mortelle que par une complication de fièvres putrides.
Aucun parent des morts n'a assisté à leurs sépultures c'est pourquoi qu'on ne
soit pas surpris de ni (!) voir pour témoins que les porteurs."
Quelle fut l'ampleur de l'épidémie à Meslay ? Les
chiffres parlent d'eux-mêmes. De janvier à septembre 1779, soit pour les neuf
premiers mois de l'année, dix-sept décès, au rythme d'un à trois par mois. Trois
ou quatre nourrissons, dont un anonyme "enfant baptisé à la maison et mort à l'instant", quelques
enfants en bas âge, deux jeunes adultes, des hommes et femmes plus âgés et déjà
veufs… Rien que de très classique pour les habitués des registres paroissiaux
de l'Ancien Régime.
Puis, brusquement, l'épidémie fait son apparition :
dix-huit décès pour le seul mois d'octobre (plus que durant les neuf premiers
mois de l'année), dix en novembre et encore sept en décembre. L'année 1780
semble moins meurtrière : trente-cinq actes de sépulture, de janvier à
décembre. Seul le sieur Bernard Goujon, marchand aubergiste de son état, aurait
succombé à la dysenterie le 24 octobre 1780 au soir.
Certaines familles sont durement touchées. Chez les Brehin,
au hameau des Guénaudières et à la Réhaurie, trois garçons de huit à
vingt-et-un ans, une fille de quatorze ans et deux domestiques laboureurs. Chez
les Gauteur, au Plein Chesne, Barbe Brehin, la veuve d'Etienne, et trois de ses
enfants, qui avaient respectivement vingt-deux, vingt-quatre et trente-deux
ans. Chez les Meslin, au Chesne rond, le père âgé de trente-huit ans et trois
de ses enfants. Dans le bourg, chez Jacques Laurent, jardinier, et son épouse
Perrine Recoquillé, trois enfants en dix jours, dont la petite Henriette
quelques heures à peine après sa naissance.
J'ai bien sûr voulu en savoir davantage. Un article (1)
des Annales de démographie historique, reproduit sur le site Persée, nous
apprend qu'une épidémie de dysenterie est effectivement apparue en France en
juillet 1779. Elle se serait propagée à partir de la Bretagne, touchant
rapidement les régions limitrophes : Anjou, Maine, Poitou, Aunis,
Saintonge, Normandie, Guyenne.
Selon l'auteur de l'article, elle aurait suivi "les grandes routes parcourues par les
soldats, les colporteurs, les pèlerins, les ouvriers saisonniers, les vagabonds".
Elle aurait surtout touché les zones rurales, là où l'alimentation insuffisante
et peu variée, le manque d'hygiène et les préjugés à l'égard des remèdes
prescrits par les médecins auraient offert un terrain favorable au
développement d'une dysenterie de type bacillaire, très contagieuse.
Les historiens estiment à 175 000 le nombre de morts de
dysenterie dans l'ensemble du royaume pour cette seule année 1779, à une époque
où la France comptait à peu près 26 millions d'habitants. Quant à la population
de Meslay-du-Maine, elle devait être de l'ordre de 1 200 personnes…
(1) François Lebrun, Une grande
épidémie en France au XVIIIe siècle : la dysenterie de 1779,
article in Annales de démographie historique.
J'ai un problème comme celui ci, mais 10 ans plus tard dans le Pas-de-Calais. De Octobre 1788 à janvier 1789 4 jeunes adultes de 20 à 30 ans et leur père sont décédés dans une branche collatérale de mes ancêtres. Je sais seulement que l'hiver 1788-1789 avait été extrêmement glacial et qu'il y avait de la disette un peu partout (précurseur de la Révolution.) C’était une famille de 13 enfants. Surement qu'ils n'avaient pas les ressources nécessaires pour survivre et que le reste de la famille n'avait pas grand-chose non plus à partager. Annick H.
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