lundi 10 octobre 2016

Un enfant trouvé

J'étais à la recherche de l'acte de sépulture de Jehanne Boilledé, l'une de mes ancêtres à la treizième génération (Sosa 6069), dans les registres paroissiaux du Louroux-Béconnais.

Mon point de départ : le mariage de sa fille avec Guillaume Rousseau, le 9 février 1641. Il est indiqué dans l'acte que Renée Briant est la "fille de Jacques Briant et de deffuncte Jehanne Boilledé". Il ne me restait plus qu'à feuilleter le registre des sépultures, en partant de février 1641 et en remontant le temps.

Le volume est de lecture relativement aisée. La mise en page est soignée, avec une marge généreuse, dans laquelle est indiqué le patronyme, une lettrine en tête de chaque acte et la magnifique signature du prêtre, Jean Bourgeoys. Ce dernier ne m'est d'ailleurs pas tout à fait inconnu : il a été confronté à une épidémie de peste qui a ravagé le bourg, à compter de l'été 1638, et a enterré successivement le curé, deux vicaires, un chapelain et un sacristain, sans compter nombre de paroissiens ordinaires(1).

L'occasion d'apprécier au passage quelques patronymes superbement calligraphiés dans leur orthographe de l'époque : Alland, Mengeard, Briseboys, Gauldin, Fourmy, Guillou, Nepveu, Lefrançoys…

Un acte intitulé "Enfant trouvé" attire soudain mon regard.

Petit exercice de paléographie :

AD Maine-et-Loire, Le Louroux-Béconnais
Sépultures 1583-1667 vue 212/327


"Le quinziesme jour du moys de Septembre l'an
mil six cents quarente fut inhumé au grand
cymetiere le corps de Pierre (blanc) enfant
exposé sur la grande Tombe du Balet de

la grande porte de l'eglise de ceste paroisse
du Loroux Bescon(nois) par nous pbre. soubz
signé."

Suit la signature de Jean Bourgeoys, avec une ruche particulièrement complexe et quelques signes que l'on pourrait presque qualifier de cabalistiques : le millésime 1640 dans la boucle de droite et ce qui semble être son âge, 46, dans la boucle de gauche. Restent néanmoins quelques éléments à déchiffrer, avis aux amateurs.

Signautre de Jean Bourgeoys, prêtre
Mêmes références que ci-dessus

Le mot "balet" ne m'étonne plus, je l'ai déjà rencontré à l'occasion(2), il s'agit d'une galerie couverte par un toit en saillie devant l'entrée de l'édifice religieux. Et rappelons-nous qu'autrefois on enterrait parfois sous le porche ou même dans le chœur des églises.

Mais cet enfant trouvé ! Hélas, l'abandon d'un nourrisson n'était pas une pratique si rare autrefois, pour de multiples raisons (naissance illégitime, misère…) et l'exposition à l'entrée de l'église plutôt qu'en rase campagne lui donnait une minuscule chance de survivre. Ce ne fut pas le cas pour le petit Pierre, dont j'ai par ailleurs vainement cherché l'acte de baptême dans les jours qui ont précédé son inhumation. Il avait pourtant eu le temps de recevoir un prénom…

Rappelons au passage que c'est à la même époque (en 1638 plus précisément) que Saint Vincent de Paul et Louise de Marillac mirent en place une institution pour les enfants trouvés, mais c'était à Paris, bien loin du Haut-Anjou. Quant à la création du tour à la porte des hospices, il faudra attendre le milieu du XVIIIe siècle.

Repose en paix, petit Pierre.




(1) Voir le billet intitulé "La peste au Louroux", paru le 15 septembre 2014.

(2) Voir le billet intitulé "Une sépulture oui, mais où ?", paru le 20 mai 2013.

2 commentaires:

  1. Quel beau registre écrit par ce curé qui nous incite à nous entraîner à la paléographie. Merci pour cette présentation !

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  2. Je pense que l'enfant était déjà décédé, qu'on le posait là ,sur une pierre ,servant de table,pour que dieu le réssucite un moment le temps de lui administrer les derniers sacrements, selon les anciennes et pieuses croyances.Et seulement ensuite il était déclaré mort

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