Après avoir assisté aux premiers Matins malins de la saison,
consacrés au site Mémoire des Hommes et au défi lancé par Jean-Michel Gilot, #1Jour1Poilu, je me suis
laissée convaincre.
Le défi 1Jour1Poilu
Pour ceux qui ne sauraient pas de quoi il retourne, il
s'agit d'indexer les fiches mises en ligne sur le site Mémoire
des Hommes. Élaborées au lendemain de la Première Guerre mondiale par
l'administration des anciens combattants, elles recensent les centaines de
milliers de soldats et avec eux les quelques centaines de civils qui ont obtenu
la mention "Mort pour la France".
L'ensemble représente plus de 1 325 000 fiches. Jusqu'à
présent, les recherches ne pouvaient se faire que sur quatre critères :
nom, prénom, date de naissance et département (ou pays) de naissance.
L'enjeu consiste à indexer treize autres rubriques à partir
des informations figurant sur la fiche : grade, unité, lieu de naissance,
bureau de recrutement, classe, matricule de recrutement, date, lieu,
département et pays de décès, lieu, département et pays de transcription du
décès. Il est évident qu'une base de données ainsi enrichie permettra une
approche beaucoup plus fine, aussi bien pour les historiens que pour les
généalogistes.
Le défi consiste à terminer l'indexation pour le 11 novembre
2018. Cela représente moins de mille fiches par jour à traiter, rien
d'insurmontable donc, compte tenu du nombre de personnes intéressées par le
sujet. Si chacun n'indexe que quelques fiches… bon, je ne vous fais pas le coup
des petits ruisseaux qui font de grandes rivières, mais vous avez compris.
Comment s'y prendre
Je me suis donc lancée. J'ai commencé par traiter les fiches
des quatre personnes figurant dans ma base de données Heredis, qui ont eu droit
à cette mention "Mort pour la France" : un ami de mon grand-père
maternel (il était témoin à son mariage), l'un des grands-oncles de mon mari,
ainsi que deux autres individus rencontrés au fil de mes recherches. Histoire
de tester la difficulté de l'opération. Cela ne m'a pris que quelques minutes.
J'ai donc décidé d'en faire davantage. En commençant par
l'un des villages de mes ancêtres, le berceau de ma branche paternelle, même si
mes ancêtres directs l'ont quitté dès le milieu du XIXe siècle pour
venir s'installer à Paris. Il s'agit de Notre-Dame-du-Touchet, dans le sud du département
de la Manche.
Collection personnelle |
Collection personnelle |
J'avais à l'occasion photographié le monument aux morts,
mais il m'a paru plus judicieux, dans un premier temps, de travailler à partir
du livre d'or rédigé par la commune. Ces livres d'or, instaurés par la loi du
25 octobre 1919 et établis pour la plupart dans la décennie qui a suivi,
sont disponibles sur le site des Archives
nationales.
Je choisis l'onglet "Recherche multicritères",
puis "Rechercher dans tous les inventaires" et, dans "Recherche
libre", je tape "livre d'or Notre-Dame-du-Touchet". J'obtiens un
résultat, je clique dessus, je clique ensuite sur "Consulter les archives
numérisées associées" et bingo ! me voici enfin devant un document de
douze pages.
Il s'agit de la liste des morts de la commune, classés par
ordre alphabétique, avec indication de leur nom et prénoms, date et lieu de
naissance, régiment et grade, date et lieu de décès.
Ils sont quarante. La dernière page comprend en outre une
liste de cinq noms griffonnés au crayon bleu, puis biffés. En comparant avec la
liste du monument aux morts, je m'aperçois que ces derniers, absents du livre
d'or, sont néanmoins gravés dans la pierre. A contrario, trois noms du livre
d'or ne figurent pas sur le monument aux morts, sans doute parce qu'ils ont été
inscrits sur le monument d'une autre commune.
À partir de là, j'ai appelé l'un après l'autre les noms du
livre d'or et j'ai indexé les fiches correspondantes, sans trop de difficultés.
Néanmoins alertée par un billet paru sur la plateforme En
Envor, j'ai procédé à quelques vérifications :
- La date et le lieu de naissance, du moins pour ceux qui ont vu le jour avant 1893, les registres d'état civil de la Manche n'étant en ligne que jusqu'en 1892 ;
- Le bureau de recrutement et le numéro matricule, en consultant les fiches matricules en ligne, qui comprennent tout le parcours militaire des hommes appelés à se présenter au conseil de révision avec leur classe d'âge ;
- La date et le lieu du décès figurant sur la fiche matricule, a priori plus fiable que la fiche Mort pour la France rédigée ultérieurement.
Quelques réflexions
Ce simple travail d'indexation permet de toucher du doigt la
douloureuse réalité de cette Première Guerre mondiale. Quarante soldats morts
pour la France dans un village qui comptait à peine plus d'un millier
d'habitants avant le conflit, c'est considérable.
La victime la plus jeune figurant sur le livre d'or de
Notre-Dame-du-Touchet appartenait à la classe 1918 ! Il s'agit de Victor
Mari, né le 24 février 1898 ; il avait donc seize ans à peine lors de
la déclaration de guerre et vingt ans lorsqu'il fut tué à proximité de
Saint-Quentin, en octobre 1918, un an après son incorporation.
Les deux victimes les plus âgées, Paul Dibon et Émile Dibon
(non, ils ne sont pas frères, j'ai vérifié), étaient nées respectivement en
1872 et 1873. Paul Dibon est mort en 1915, à quarante-deux ans, à
l'hôpital de Bourbourg (Nord) et Émile Dibon en 1918, à quarante-cinq
ans, à celui de Cherbourg.
La vérification des actes de naissance, lorsqu'elle est
possible, apporte un élément supplémentaire : les mentions marginales
indiquant les mariages. J'ai une pensée (un peu tardive, je vous l'accorde)
pour toutes ces jeunes veuves…
La suite
Les différences entre le monument aux morts et le livre d'or
ont piqué ma curiosité. J'ai jeté un œil sur le livre d'or d'une commune
voisine, Villechien : il comprend une vingtaine de noms, dont un figurant
sur le monument aux morts de Notre-Dame-du-Touchet. Je vais donc continuer à
indexer ces fameuses fiches, en élargissant le cercle de mes investigations.
Bravo de t'être lancée, et bravo pour ce billet très clair, qui pourra aider les nouveaux indexeurs. Indexer, c'est effectivement toucher du doigt l'impact de cette guerre, qui a fortement marqué notre territoire et notre histoire
RépondreSupprimerGrâce aux indications du billet, j'ai enfin pu trouver les livres d'or !
RépondreSupprimeret je viens de m'inscrire pour des indexations des poilus de ma famille
avec aussi l'idée d'élargir à certains villages-souches
Fanny-Nésida