lundi 4 décembre 2017

Une mort par noyade

Je consultais des registres paroissiaux à la recherche de mes ancêtres Laubret, originaires de la Sologne, lorsque je tombai sur les lignes suivantes :

AD 41 Villefranche-sur-Cher 4E280/76 vue 3/11

"Le dix neuvième jour de février de la même année 1755 fut
inhumée (par ordre de monsieur le procureur fiscal de cette
justice instruit de notoriété publique de la folie actuelle
de la personne ci-après) Jeanne Lambert âgée d'environ
trente six ans femme de François Bondeux vigneron la
quelle s'étoit noiée la veille dans la rivière de Cher dans
un accès de folie, la ditte sépulture faite à cinq heures du soir
en présence de Louis Vacher jardinier du château, Gabriel
Chalumeau, Pierre Gaudeschau et autres qui ont déclaré ne
scavoir signer de ce enquis
."

L'acte est signé "Desouches curé de L'Hôpital". Nous sommes dans une paroisse qui figure sur les cartes de Cassini sous le nom de La Commanderie ou de L'Hôpital, aujourd'hui incorporée à la commune de Villefranche-sur-Cher.

Le procureur fiscal, cité dans l'acte, fait partie du personnel exerçant la police et la justice sur le territoire de la seigneurie. Mais pourquoi intervient-il ? Parce qu'il s'agit d'une mort violente et qu'il y a suspicion de suicide. Or, sous l'Ancien Régime, le suicide était considéré comme un péché contre Dieu, interdisant la sépulture en terre chrétienne : pas de cérémonie religieuse ni de cimetière pour les individus coupables de meurtre contre eux-mêmes !

Par ailleurs, la mort n'éteignait pas le crime et une procédure pénale pouvait s'ensuivre. Curieusement, ceux qui avaient raté leur suicide pouvaient être condamnés… à la peine de mort ! Une logique qui m'échappe tout à fait aujourd'hui. Une seule échappatoire, donc : la démence, qui ôte au geste fatal son caractère délibéré, d'où l'insistance du curé sur la folie présumée de la noyée.

J'ai voulu en apprendre davantage sur cette Jeanne Lambert, même si elle ne fait pas partie de mes ancêtres, mais elle n'a guère intéressé les généalogistes. Seuls les relevés effectués par le Cercle généalogique du Loir-et-Cher (relayés par Geneanet) fournissent quelques bribes d'information.

Jeanne Lambert était originaire de La Chapelle-Montmartin, sur la rive gauche du Cher. Elle résidait depuis quelques mois à Saint-Julien-sur-Cher, lorsque, le 9 février 1750, elle épousa dans cette paroisse le sieur François Bondeux. Neuf mois plus tard, elle donnait le jour à une petite Jeanne Elisabeth, dont le sort ne nous est pas davantage connu.


Ma curiosité la sort quelques instants de l'oubli dans lequel elle repose pour l'éternité.

3 commentaires:

  1. La question du suicide n'est pas vue de la même façon dans toutes les cultures. J'ai été frappée, récemment, par l'insistance d'une amie japonaise très chère, qui vient de perdre son fils de 32 ans, pour dire que ce n'était pas un suicide, mais que c'était une maladie (mentale) qui l'avait emporté. Après ce drame, au lieu de consoler la pauvre mère dévastée, les habitants de son immeuble tournent la tête à son passage et disent que la résidence perd 10 à 20% de sa valeur quand il y a un suicide sur les lieux (le jeune homme s'est jeté du balcon-coursive du 12ème étage). Quelle tristesse pour la mère (veuve) et pour la soeur du jeune homme (qui avait fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique).

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  2. Bonjour Dominique
    Je prends quelques minutes pour lire des blogs, dont le tien :-)
    Villefranche est aussi le village de mes aïeux, tout comme Saint Loup, Mennetou...
    Sauf erreur de ma part il s’agit de La Chapelle Montmartin et non Saint Martin.
    Je n’ai pas croisé à ce jour d’autres noyades si ce n’est à côté des moulins de mes aïeux vers Chaumont sur Tharonne
    Bonne soirée à toi

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    1. Oui, tu as raison. Ce qui m'a troublée, c'est que le prêtre parlait de la Chapelle Moine Martin dans l'acte de mariage. Je corrige tout de suite !

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