La lecture de l'article d'Elise Faut-il reprendre son arbre généalogique à zéro ? est excellente pour les
neurones. Le billet a déclenché une réaction quasi immédiate parmi les
généalogistes de la blogosphère, si j'en juge par l'avalanche de commentaires
et de réponses tant positives que négatives, et il a utilement meublé une
partie de mes insomnies !
Pour ma part, c'est hors de question. Voici pourquoi.
Je n'en ai ni le
temps ni le goût
Tout d'abord, je ne me sens aucune prédisposition pour
les travaux de Pénélope : défaire et refaire indéfiniment le même
motif, merci bien ! Et j'ai tendance à penser que je ne suis pas la seule,
même si les raisons diffèrent avec l'âge : pour les uns, il s'agit de concilier
vie professionnelle, vie familiale, loisirs, activités sportives et passion
chronophage ; pour les autres, il s'agit de trouver un équilibre entre les
diverses occupations d'une retraite que l'on souhaite active le plus longtemps
possible, certes, mais qui s'achèvera bien un jour. Cela n'incite guère à faire
indéfiniment des ronds dans l'eau, il faut impérativement avancer.
Pour filer la métaphore sportive, après quelques tours de
manège entre quatre murs pour apprendre les rudiments de l'équitation, vivement
les sorties dans la campagne pour découvrir de nouveaux paysages et de
nouvelles sensations. Quitte à subir quelques déboires et quelques chutes, l'important
c'est de se relever et de continuer !
Je n'éprouve pas le
besoin de changer de logiciel
C'est un argument mis en avant par les tenants de la remise
à zéro. Le format Gedcom ne permettrait pas de transférer la totalité des informations
d'un logiciel à un autre, ou d'une plateforme à une autre. Risques de perdre
des bribes au passage ! Alors autant repartir de zéro, disent-ils. Comme
certains, qui réinstallent tous les logiciels et tous les fichiers à chaque
changement d'ordinateur, pour être sûrs de ne pas polluer leur belle machine
toute neuve avec de vieilles sauvegardes…
En généalogie, c'est un peu jeter le bébé avec l'eau du
bain, non ?
La question ne se pose pas pour moi. Je suis satisfaite
d'Heredis dans sa version 2014 pour Mac. Son ergonomie et son apparence me
plaisent. J'ai acquis une certaine dextérité dans la saisie des données. Je
pense même que je n'ai pas fini d'en explorer toutes les facettes et toutes les
possibilités, alors pourquoi en changer ?
Autre argument des partisans de la remise à zéro : au
fil du temps, leur arbre aurait développé de façon plus ou moins anarchique des
pousses intempestives, voire aurait laissé des plants parasites se développer
entre ses branches. Et de manier le sécateur ou la tronçonneuse pour y voir
plus clair…
Curieusement, cette notion d'arbre n'est pas celle qui me
vient spontanément à l'esprit, lorsque je pense généalogie. Je préfère parler
de base de données et j'ai grand plaisir à l'enrichir de fiches
d'individus apparemment secondaires, mais qui apparaissent de façon récurrente
dans les registres. Une grande satisfaction également à faire des recherches sur
des gens qui n'ont pas de lien direct de parenté avec moi, mais qui étaient
amis ou alliés de mes ancêtres.
Pour utiliser une métaphore empruntée cette fois au domaine
artistique, à côté des portraits de mes ancêtres, j'ai besoin, pour en savoir
davantage sur leur entourage, de tableaux à la manière de David Teniers, des
scènes de genre et des kermesses de village avec de nombreux personnages,
révélateurs d'ambiances et de modes de vie.
Tableau de David Teniers le jeune (1610-1690) Source Wikimedia Commons |
Pas question pour moi, donc, de supprimer les maires
(ah ! ces noms ronflants qu'ils arborent sous la Restauration, un régal),
les curés (quel bonheur quand ils y vont de leurs commentaires dans les
registres), les vicaires, les chapelains, les sages-femmes ou les voisins venus
déclarer un décès. D'autant que les capacités actuelles des disques durs de nos
ordinateurs ne risquent guère d'être mises en péril par quelques mégaoctets
supplémentaires.
Et, qui sait, cela peut servir à un autre généalogiste
amateur. Ce personnage, qui apparaît de façon fugace dans la vie de mes
ancêtres, est peut-être recherché vainement depuis des semaines par un de ses
descendants… Geneanet permet ce type de partage.
Je sais quelles sont
les branches plus ou moins délaissées
Là, je le reconnais bien volontiers, si j'ai identifié tous
mes ancêtres jusqu'à la cinquième génération (à l'exception de deux pères
d'enfants naturels), c'est ensuite très inégal : certaines lignées
remontent allègrement le temps jusqu'aux confins du XVIe siècle,
tandis que d'autres patinent davantage pour diverses raisons.
Registres disparus, archives départementales non disponibles
en ligne (coup d'œil appuyé en direction des Hautes-Pyrénées et du Gers), voire
intérêt moindre, allez savoir pourquoi, pour certaines régions… que
sais-je ?
Mais je n'ai nul besoin de remettre les compteurs à zéro
pour identifier ces ancêtres quelque peu délaissés, il suffit de jeter un œil
sur l'onglet "Lignée/Ascendance" d'Heredis pour les visualiser. Et un
de mes cousins issus de germains se charge de me le rappeler régulièrement, je
n'avance pas assez vite à son goût sur la branche qui le concerne…
Corriger ses erreurs
Bien sûr, elles ont fâcheusement tendance à se glisser dans
toute généalogie, en dépit des efforts déployés pour les traquer : erreurs
d'inattention, confusion de dates, difficultés de lecture, homonymies, manque
de fiabilité de certaines sources…
Mais pour les corriger, pas besoin de tout reprendre à zéro,
je dispose de plusieurs pistes.
En premier lieu, les erreurs de débutant. Comme leur
nom l'indique, j'ai dû en commettre durant mes premiers mois de recherches :
elles ont donc toutes les chances de concerner mes ancêtres des générations les
plus proches, ceux que j'ai traités en premier. Pourquoi ne pas programmer une
révision systématique de leurs fiches, sans tout mettre à la corbeille ?
Les événements non corroborés par des sources,
ensuite : dans Heredis, il est possible d'effectuer un tri et de lister
les individus qui ont des événements sans source. Un oubli est si vite arrivé, notamment
lorsque plusieurs événements se rattachent à une même source : un acte de
mariage qui indique la paroisse des deux conjoints, l'existence d'un contrat et
le nom du notaire, le décès d'un parent, l'âge et le domicile des témoins,
autant d'événements à saisir et à justifier à partir d'une source unique, autant
d'omissions potentielles. C'est donc une manipulation que je fais régulièrement
avec succès.
Les erreurs de transcription et d'interprétation,
enfin : si l'on admet que le généalogiste amateur s'aguerrit et acquiert
de l'expérience au fil du temps, ces "bêtises" risquent de concerner en
priorité les documents utilisés lors des premières recherches. Là encore, merci
Heredis ! dans une version antérieure, le logiciel attribuait
automatiquement un numéro d'ordre à chaque nouvelle source utilisée (A0001,
A0002…), numéro que j'ai eu l'heureuse idée de reprendre dans les versions
suivantes, lorsque cet automatisme a disparu. À moi de prévoir une vérification
systématique de ces documents.
Voilà donc trois pistes pour passer en revue ma base de données
et la rendre plus fiable, sans effacer les résultats acquis après bientôt six
années de recherche !
Permettez-moi de conclure par une interrogation : quelle
est la finalité de vos recherches généalogiques ? C'est cela qui doit
guider en priorité votre démarche. S'agit-il de polir indéfiniment le même
galet ou de bâtir un édifice avec tous les matériaux à votre disposition ?
Et un grand merci à Elise, qui a réveillé mes neurones et
suscité ces réflexions.
Je suis ravie de lire une nouvelle réponse à l'article d'Elise qui visiblement fait couler beaucoup d'encre !
RépondreSupprimerDécidément mon article suscite beaucoup de réactions ! Et je trouve ça très intéressant de voir tous les points de vue différents sur la question :-)
RépondreSupprimerPour répondre à ta question finale, la finalité de mes recherches est en premier lieu de me faire plaisir, et aussi, depuis quelques temps, d'écrire l'histoire de ma famille. Or, je me rends compte que mon organisation actuelle n'est plus en phase avec ces deux finalités et c'est ma principale motivation pour reprendre la saisie de ma généalogie. Pour reprendre ta métaphore, c'est cela qui me permettra de bâtir un édifice avec les meilleurs matériaux possibles, plutôt que de chercher à étayer sans fin un édifice mal conçu au départ.
Merci en tous cas d'avoir partager ton point de vue sur le sujet :-)
A bientôt,
Elise
J'aime beaucoup votre interrogation en conclusion !!
RépondreSupprimerPour ma part, je préfère la 2ème proposition ;)
En effet tu as bien raison, je soupçonne que la moitié des lecteurs qui ont lu ton article et celui d'Élise n'ont pas lu les articles de Thomas McEntee, le maître d’orchestre de ce nouveau jeu ! Car il faut le lire et bien comprendre son but car il explique clairement qu'en 20 ans de recherche il a été délinquant sur beaucoup de choses, étonnant pour un généalogiste dit professionnel. Son deuxième article concernant sa méthode est déconcertant même, il n'a pas sourcé sa propre naissance, (j'abrège son article, mais c'est bien ce qu'il dit !) Alors il ne faut pas s'embarquer dans une aventure qui lui est propre...
RépondreSupprimerJ'ai un peu le sentiment qu'il songe à écrire un livre avec toutes les idées que son" remue-méninges" va susciter, mais j'ai peut-être l'esprit mal tourné !
SupprimerOui, trois fois oui, mille fois oui.
RépondreSupprimerJ'adhère et comme le dirait un politique américain: "Je suis Jimbo et j'approuve ce message"
L'article provocateur d'Elise (je n'ai pas lu celui de Thomas McEntee) est une bonne occasion de se remettre en question. La preuve en est le déluge de réponses qu'elle a reçues. Pour ma part, il n'y a pas très longtemps que j'ai commencé ma généalogie et par conséquent je ne ressens pas déjà le besoin de la remettre à plat. Mais j'ai noté les arguments des uns et des autres et c'est très instructif. Finalement, je suis entièrement d'accord avec toi. Certes, ma méthode de travail a évolué et est devenue plus rigoureuse qu'au début. J'aurai donc de petits ajustements à effectuer (ajouter les témoins, maires et curés, par exemple) mais pour le reste, il faut simplement (et patiemment) continuer mes recherches sans faiblir ! Comme toujours, ton article est clair comme de l'eau de roche. J'y souscris entièrement. Merci !
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