Rappelez-vous : c'était en juin dernier, à l'occasion
du challenge AZ et, dans le billet intitulé W commeWho's who, j'évoquais les quatre témoins du mariage de mes grands-parents
maternels, le 22 novembre 1900, à la mairie de Pau.
J'avais identifié les trois premiers sans trop de difficulté,
mais le quatrième, "Simon Théodore
Conu, âgé de cinquante-neuf ans, Directeur des Postes et Télégraphes, domicilié
à Montauban" m'avait laissée perplexe.
Jusqu'à ce que j'aie l'idée de lancer une recherche sur le
site de Geneanet. Rien de positif dans les arbres en ligne, mais une piste sous
l'onglet Ressources externes, qui pointe vers un dossier de la Légion d'honneur.
Et me voilà partie pour de nouvelles découvertes !
Le dossier de la Légion d'honneur
Il comporte treize pages et, dès la première, je comprends que j'ai fait mouche :
"Connu Simon
Directeur des Postes et Télégraphes en retraite
Directeur des Postes et Télégraphes en retraite
né le 12 mai 1841 à Nay
a été nommé Chevalier de la Légion d'honneur
par décret du 13 juillet 1905 rendu sur le rapport
du Grand Chancelier
pour prendre rang du m. j."
a été nommé Chevalier de la Légion d'honneur
par décret du 13 juillet 1905 rendu sur le rapport
du Grand Chancelier
pour prendre rang du m. j."
Même nom sinon même orthographe, même prénom, même
profession et une date de naissance parfaitement cohérente avec l'âge indiqué
dans l'acte de mariage de mes grands-parents. Me voici en outre en possession
d'indications précises pour rechercher l'acte de naissance dans les registres
en ligne de la ville de Nay (prononcer Naille).
Je parcours rapidement les autres pièces du dossier,
notamment un document à en-tête du Ministère du Commerce, de l'Industrie, des
Postes et Télégraphes, Sous-Secrétariat d'Etat des Postes et Télégraphes, qui
retrace toute la carrière de notre homme.
Simon Connu a modestement débuté comme employé surnuméraire
à Paris en juin 1864, avant d'être envoyé à Belle-Île-en-Mer. Il n'est apparemment
rémunéré qu'à partir du 1er novembre 1865, lorsqu'il devient
employé de 5e classe, avec un traitement de 1 400 francs
par an. Au fil des ans et des mutations, il gravit les échelons de
l'administration et découvre d'autres horizons : Le Croisic (à l'époque
Loire inférieure), Chateaubriand (même département), Limoges (Haute-Vienne),
Cauterets (Hautes-Pyrénées), Bordeaux (Gironde), Les Eaux-Bonnes (à l'époque
Basses-Pyrénées), Toulon (Var)…
En février 1872, il est nommé à Paris et en juillet de la
même année, il devient employé de 3e classe, avec un traitement
annuel de 1 800 francs. Jusqu'en 1879, il sera tantôt affecté à la Poste centrale parisienne,
tantôt à la Chambre des Députés, qui siège alors à Versailles. Entretemps, il a
continué à gravir les échelons : employé de 2e puis de 1ère classe
et enfin commis principal.
En juin 1885, sa carrière prend un tour nouveau lorsqu'il
est mis à la disposition du Ministère de la Marine et des Colonies, et envoyé
au Tonkin comme contrôleur technique. Il a alors quarante-quatre ans et
bénéficie d'un traitement annuel de 3 500 francs, puis de
4 000 francs deux ans plus tard. En 1889, il revient en métropole
avec quelques décorations : l'Ordre du Dragon de l'Annam, l'Ordre du
Cambodge et une improbable médaille commémorative de l'expédition de Chine, que
le rédacteur a dû confondre avec la médaille commémorative de l'expédition du
Tonkin !
Simon Connu terminera sa carrière à Montauban
(Tarn-et-Garonne), d'abord comme inspecteur des services techniques, puis enfin
comme directeur et fera valoir ses droits à la retraite en novembre 1901, à
l'âge de soixante ans. Ouf !
Le dossier comprend également un courrier signé du Préfet
des Basses-Pyrénées, intitulé "Légion
d'honneur, promotion du 2e semestre 1905", dans lequel je
relève ce paragraphe : "La
longue durée de ses services, la constance de son dévouement à ses fonctions,
la correction parfaite de son attitude politique, lui créent des titres
particuliers à la haute bienveillance du gouvernement."
Et un peu plus loin : "J'estime que sa nomination dans l'ordre de la Légion d'honneur serait
absolument justifiée. Je suis, en tous cas, assuré qu'elle serait accueillie
dans la région avec une sympathie unanime."
Langue de bois, vous avez dit langue de bois ? … même si je ne mets pas en doute la valeur de la personne, bien entendu.
Bref, notre homme mérite la rosette. Il sera décoré par le
maire de Nay, dont il est alors l'adjoint, ce qui semble accréditer le fait
qu'il soit rentré au bercail après une carrière itinérante. Quelques jours plus
tard, il adresse une lettre au Grand Chancelier pour exprimer sa gratitude,
courrier accompagné d'un extrait de son acte de naissance (qui va me permettre
d'en savoir davantage) et d'un récépissé de versement de 37 francs à la
Caisse du Trésorier Payeur général à Pau, pour prix de la décoration.
La famille de Simon Connu
L'acte de naissance de Simon indique qu'il est le fils de Pierre Connu, cabaretier de trente-deux ans, et d'une certaine Anne Déodat : je me lance à la recherche de l'acte de mariage des parents, avec d'autant plus de zèle que ce patronyme de Déodat m'est déjà familier.
Bingo ! Le mariage a été célébré à Nay le 28 août
1833. Et là, nouvelle surprise : Pierre Connu est un enfant de l'hospice (j'y
reviendrai dans un autre billet) et son épouse, prénommée Catherine et non pas
Anne, est la fille de Jean Déodat et de Jeanne Bourret, mes Sosa 58 et
59 ! Le couple, qui a eu sept enfants, manquait sans doute
d'imagination : trois de leurs filles se prénomment Catherine. Heureusement,
à cette époque les dates de naissance sont indiquées dans les actes de
mariage : l'épouse de Pierre Connu est née le 1er avril
1812, pas de risque de la confondre donc avec sa sœur née en 1809 ni avec celle
née en 1818.
La plus jeune sœur de Catherine, Jeanne, née le 1er août
1819, épousera Gabriel Fourcade et aura pour fils Théodore, le père de ma
grand-mère Julia. Vous suivez ? Simon Connu et Théodore Fourcade étaient tout
simplement cousins germains. D'où la présence de Simon au mariage de ma
grand-mère.
L'énigme du quatrième témoin est résolue.
Le cousinage entre Simon Connu et Théodore Fourcade |
Quelques points resteraient néanmoins à éclaircir, si je voulais être exhaustive. S'est-il marié et a-t-il eu des enfants ? Difficile de le dire, ses affectations successives en divers points de l'hexagone et en Indochine compliquent quelque peu les recherches. Quand et où est-il décédé ? La première page de son dossier de la Légion d'honneur comporte cette simple mention, qui me laisse rêveuse : "Date du décès : centenaire", ce qui nous mènerait aux années 1940…
Comme quoi il faut toujours fouiller et persévérer. Beau travail d'enquête!
RépondreSupprimerBenoît de MesRacinesFamiliales
j'ai commencé par avoir une impression de deja vu, jusqu'à ce que je comprenne que tu en as parlé mercredi au déjeuner pendant le seminaire de paléographie ... ouf :) en tout cas, sympa l'enquete :) C'est amusant d'aller s'égarer au gré des chemins de traverse, en dehors de notre betre arbre personnel, n'est ce pas ?
RépondreSupprimerEncore une fois, cet article est génial. Un peu partout sur les blogs de généalogie et d'histoire familiale, les enquêtes rapportées sont de plus en plus poussées; de plus en plus passionnantes. N'avez-vous pas remarqué ?
RépondreSupprimerMerci pour cet enthousiasme, mais je n'ai fait qu'exploiter les informations contenues dans le dossier de la Légion d'honneur !
SupprimerFélicitations !
RépondreSupprimerbelle illustration de recherches et de synthèse de la base Leonore
qui permet de donner corps à cet ex-mystérieux témoin
comme quoi les chemins de traverse ont du bon
Nésida
C'est à nouveau une belle enquête, et le résultat est à la hauteur de ton obstination. Tout l'art consiste à savoir où chercher, et à ne pas se décourager. Je prendrai modèle sur toi...
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