La lecture assidue des registres paroissiaux permet de
mesurer la place de la religion dans la vie quotidienne de nos ancêtres sous
l'Ancien Régime.
Les cérémonies se succèdent : les mariages, en
novembre, en janvier et en février notamment, parfois plusieurs le même jour,
les baptêmes au rythme des naissances fort nombreuses pour chaque couple, les
enterrements au rythme des accidents, des maladies et des épidémies… Sans
compter les fiançailles, qui doivent bien faire l'objet d'une cérémonie
particulière, puisqu'elles sont parfois mentionnées dans les actes de mariage.
Je n'oublie pas non plus les sacrements de pénitence et
d'eucharistie aux promis, l'extrême-onction aux mourants, la première communion
des adolescents, les grandes messes paroissiales, la visite de l'évêque, les
processions, les fêtes carillonnées, le baptême d'une nouvelle cloche, la
bénédiction d'un nouveau pont sur la rivière, que sais-je… bref, le clergé ne
chôme pas et il en rend parfois compte dans les registres.
Je suis d'ailleurs encore surprise par le nombre de
religieux dans le moindre bourg : curé, vicaires, chapelains, prieurs,
prêtres habitués ou succursaires, diacres… Sans compter le personnel
auxiliaire, sacristains, marguilliers, sacristes de peine. L'occasion
d'enrichir au passage son vocabulaire !
Statue de Saint Aubin, dans l'église du Louroux-Béconnais Archives personnelles |
Mais je ne m'étais jamais posé la question : que se
passe-t-il lorsqu'un curé entre en fonction dans sa nouvelle paroisse ?
J'ai trouvé un début de réponse dans les registres du Louroux-Béconnais (on
écrivait à l'époque "le Loroux" ou "le Loroux Béconnois"),
dans l'actuel département du Maine-et-Loire, sur la route qui mène d'Angers à
Chateaubriant.
Pour vous donner une idée, Le village comptait
340 feux, soit environ 1 535 habitants, vers 1720. Une quarantaine
d'années auparavant, en 1678, messire François de Landevy, curé en titre de
l'église du Louroux dédiée à Saint Aubin, "résigne" (nous savons
maintenant que les ecclésiastiques ne démissionnent pas, n'est-ce pas ?).
René Serezin lui succède.
Le nouveau venu aime le respect des procédures, à n'en point
douter. Qu'on en juge : il fait rédiger par le vicaire Pierre Voisinne un
acte de prise de possession de la cure et de la paroisse ! Ce dernier, qui
n'est pas avare de détails, nous narre par le menu la cérémonie. René Serezin,
"revestu de la robbe, surplis, estolle et bonnet quarré", pénètre dans l'église, asperge les assistants
d'eau bénite, s'agenouille devant le crucifix, pose les lèvres sur l'autel,
ouvre le missel et l'Évangile et
en donne lecture, prend place dans le chœur, inspecte le ciboire et les fonts
baptismaux, sonne les cloches et déclare enfin prendre possession "personnellement,
réellement et actuellement" de la cure
du Loroux. Le tout devant un parterre de témoins composé de prêtres et de
notables, dont maître Bonaventure Fourmy, notaire de la baronnie de Bécon. Les
témoins apposent leur signature au bas de l'acte. La cérémonie a lieu le samedi
qui précède la Pâque de 1679, un premier avril (sans y voir pour autant malice,
je pense).
Il semble que l'acte en question ait été lu le lendemain, au
cours de la grande messe paroissiale, comme le précise encore Pierre Voisinne.
Je m'interroge sur ce formalisme. Y a-t-il eu contestation
ou chicane ? D'après le compte-rendu, le curé précédent, François de
Landevy, s'efface devant son cousin, René Serezin, à l'automne 1678, le jour de
la Saint-François, ce qui pourrait correspondre au 4 octobre. Le visa de
l'évêque d'Angers ne parviendra que le 27 mars suivant. Simple lenteur administrative
ou autre raison ?
Je me demande également pourquoi François de Landevy passe
la main. Lassitude ? Problème de santé ? Sa signature n'apparaît
nulle part, au bas des actes, dans les mois ni même les années qui précèdent,
mais il ne rendra l'âme que sept ans plus tard, à l'âge de soixante ans
environ. Il sera enterré dans le chœur de l'église, devant le grand autel, le
15 août 1685.
Volonté du nouveau curé d'asseoir son autorité sur les
prêtres de la paroisse, après des années d'absence ou de laxisme de la part de
son prédécesseur ? À l'examen attentif des registres durant toute la
période où François de Landevy a été curé en titre (depuis 1652, si j'en crois
le Dictionnaire historique de Célestin Port), on peut se poser la question. Le
curé n'apparaît que de façon épisodique et ne signe que rarement, laissant la
part belle à ses vicaires successifs. Certains actes ne comportent aucune
signature, des registres ont disparu, bref, il flotte sur ces documents comme
un parfum de négligence.
René Serezin s'emploiera d'ailleurs à y mettre bon ordre,
achetant des registres sur ses propres deniers, recopiant ou faisant recopier
les actes, établissant des tables alphabétiques : je vous ai déjà narré
tout cela dans un précédent billet(1).
Mais je ne voudrais pas non plus interpréter de façon
abusive ces quelques paragraphes sur lesquels je suis tombée au détour d'une
page. Peut-être semblable cérémonie a-t-elle lieu, sans pour autant être
mentionnée, à chaque changement de curé. Et vous, avez-vous fait semblables découvertes ?
(1) Voir le billet du 2 décembre dernier "Qui a égaré les registres ?"
Bonjour,
RépondreSupprimerJ'ai été intéressé à la lecture de votre article.
S'agissant de la formalisation "du cédant" et "du "prenant" je vous suggère d'interroger l'A.A.E.F Association des Archivistes de l'Eglise de France
http://aaef.abcf.fr/annuaire_archivistes_diocesains.html
Cordialement.
Merci pour le tuyau.
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