Concourson est situé sur le
Layon, une rivière longue de 90 Km qui prend sa source dans l'étang de
Beaurepaire, tout au nord du département des Deux-Sèvres, et traverse une
partie du Maine-et-Loire, avant de se jeter dans la Loire à la hauteur de
Chalonnes.
Son cours sinueux est d'abord
orienté du sud-ouest vers le nord-est, avant de bifurquer vers le nord-ouest à
partir des Verchers-sur-Layon. Son débit irrégulier, avec de fortes variations
entre l'hiver, période des hautes eaux, et l'été, période des basses eaux,
n'est guère propice à la navigation, et nos ancêtres avaient l'habitude de
passer d'une rive à l'autre grâce aux gués qui jalonnaient son parcours.
Il existait bien quelques
ponts. L'un d'eux, construit à la hauteur de Concourson, fit l'objet d'une
bénédiction solennelle à l'automne 1773 :
"Le vingt septième jour d'octobre mil sept cent soixante-treize
à la prière
du sieur françois pivert originaire du Diocèse d'Avranches province
de Normandie Curé actuel de Saint hilaire de Concourson et du sieur
Jean Loüis noël Lavené originaire du Diocèse de Roüen Capitale de la haute
Normandie, Entrepreneur des Ouvrages du Roy, après avoir imploré les
lumières du Saint Esprit par une grand-messe de Spiritu Sancto, annoncée
le dimanche précédent au prône de la messe paroissiale, Nous messire françois
Bizar Curé de Saint Just des verchés au Diocèze de Potiers, accompagnés
de messire pierre René pauloin Curé de Saint Macaire au même Diocèse,
de messire Alexandre Renault vicaire de Saint Georges Châtelaizon Diocèse
d'Angers, de messire françois pivert Curé dudit Concourson, de messire
Charles Bâcher vicaire dudit lieu, du sieur Guibert sous diacre et de plusieurs
autres, nous nous sommes transportés processionnellement en chantant le veni creator
au lieu et place où il a plû à Sa majesté d'ordonner de faire bâtir un
nouveau pont sur la Rivière du Laion paroisse dudit Concourson grand
Route de Cholet aux Sables d'Olonnes, y avons donnés la bénédiction conformement
au Rituel de nôtre Diocèse et avons dressés le present acte pour servir et valloir
à la postérité comme la preuve la plus autentique de la Construction dudit
nouveau pont de Concourson. Fait et arrêté le present acte le dit jour et an
que dessusà Concourson un mot raié nul. Un mot en interligne approuvé
véritable."
du sieur françois pivert originaire du Diocèse d'Avranches province
de Normandie Curé actuel de Saint hilaire de Concourson et du sieur
Jean Loüis noël Lavené originaire du Diocèse de Roüen Capitale de la haute
Normandie, Entrepreneur des Ouvrages du Roy, après avoir imploré les
lumières du Saint Esprit par une grand-messe de Spiritu Sancto, annoncée
le dimanche précédent au prône de la messe paroissiale, Nous messire françois
Bizar Curé de Saint Just des verchés au Diocèze de Potiers, accompagnés
de messire pierre René pauloin Curé de Saint Macaire au même Diocèse,
de messire Alexandre Renault vicaire de Saint Georges Châtelaizon Diocèse
d'Angers, de messire françois pivert Curé dudit Concourson, de messire
Charles Bâcher vicaire dudit lieu, du sieur Guibert sous diacre et de plusieurs
autres, nous nous sommes transportés processionnellement en chantant le veni creator
au lieu et place où il a plû à Sa majesté d'ordonner de faire bâtir un
nouveau pont sur la Rivière du Laion paroisse dudit Concourson grand
Route de Cholet aux Sables d'Olonnes, y avons donnés la bénédiction conformement
au Rituel de nôtre Diocèse et avons dressés le present acte pour servir et valloir
à la postérité comme la preuve la plus autentique de la Construction dudit
nouveau pont de Concourson. Fait et arrêté le present acte le dit jour et an
que dessus
véritable."
Suivent les signatures des
personnes citées, plus quelques autres, dont celle de l'épouse du sieur Lavené
et celle d'Aubin Nau, syndic de la paroisse.
Mais la grande affaire fut
l'aménagement du cours du Layon entre Saint-Georges-Châtelaison (aujourd'hui
Saint-Georges-sur-Layon) et Chalonnes. Un arrêt du Conseil du Roi rédigé en
avril 1774 autorise les "sieurs Puissan et consorts" à rendre la rivière navigable jusqu'à
l'embouchure dans la Loire.
De quoi s'agit-il ? Les
"sieurs Puissan et consorts"
sont associés au sein d'une compagnie qui exploite les mines de charbon de
Saint-Georges-Châtelaison. Ils se voient ainsi attribuer l'exclusivité de la
navigation sur le Layon pendant quarante années, à charge pour eux d'effectuer
tous les travaux nécessaires : élargissement de la rivière à 24 pieds
minimum, creusement du lit à 3 pieds minimum, remplacement des gués par
14 ponts de pierre, installation de 24 portes écluses, aménagement de
18 chaussées de moulins…
La réaction des riverains ne
se fit pas attendre. Le lit de la rivière pouvait être modifié, les
propriétaires ne seraient dédommagés que si l'emprise sur leur terrain
dépassait six pieds de large, des moulins risquaient d'être supprimés…
Plusieurs suppliques furent adressées à Monseigneur l'Intendant de la
Généralité de Tours. En vain ! Les travaux commencèrent le
22 septembre 1774 et, deux ans après, les premiers bateaux transportaient
déjà du charbon et du vin jusqu'à Chalonnes.
Le 23 décembre 1776, le Canal
de Monsieur fit l'objet d'une cérémonie solennelle : à nouveau messe
"de Spiritu Sancto",
procession avec croix et bannière, chant du Veni Creator, bénédiction du
pavillon de Monsieur, frère du Roi, et des bateaux qui assurent le transport
sur la rivière, le tout dans un grand déplacement de prêtres et de notables.
Mais pourquoi cette
appellation "Canal de Monsieur" ?
Précisons tout d'abord que Monsieur désigne le frère cadet du roi, en
l'occurrence le comte de Provence, frère de Louis XVI et futur Louis XVIII.
Comment celui-ci fut-il embarqué dans l'affaire ?
Portrait du Comte de Provence vers 1778 par J. S. Duplessis Source Wikipedia |
Vous surprendrai-je si je
vous dis que le devis initial des travaux de canalisation du Layon, de l'ordre
de 250 000 livres, fut plus que largement dépassé ? Les
estimations du coût réel varient selon les auteurs et les dépenses que l'on
inclut dans le calcul, mais elles dépassent toutes allègrement le million de
livres. Rien de nouveau sous le soleil. Certains associés, ne pouvant faire
face à ces engagements, cédèrent leurs parts à Monsieur, frère du Roi, faisant
valoir que le duché d'Anjou faisait partie de son apanage, et le sieur Puissan
profita de l'appui de ce dernier pour obtenir la prolongation de la concession
à soixante années, au lieu des quarante initialement prévues.
L'ouvrage, long de 42 Km
depuis le port de Concourson jusqu'à celui de Chalonnes, prit le nom de Canal
de Monsieur. Les travaux furent définitivement achevés en octobre 1779.
Je vous passe les détails sur
les difficultés financières rencontrées par la compagnie au cours des années
qui suivirent. Les campagnes de navigation, ralenties par le manque d'eau en
été et par les glaces en hiver, s'étendaient d'octobre à juin. Elles étaient
assurées par vingt-huit bateaux, qui transportaient principalement du charbon
(de 200 000 à 450 000 boisseaux selon les années, d'après Célestin
Port), ainsi que divers matériaux : bois, pierre coquillière de Doué,
tuiles, ardoises.
Mais le transport du vin et
des denrées continua à se faire principalement par la terre et les recettes du
Canal de Monsieur ne tinrent jamais leurs promesses. La Révolution acheva de
ruiner les espoirs de la compagnie. Lors des troubles qui opposèrent
"Vendéens" et "Bleus" dans la région, les ponts et les
écluses sur le canal furent détruits, les galeries des mines inondées et les
machines mises au pillage.
En dépit de divers projets et
études tout au long du XIXe siècle, le Canal de Monsieur ne fut
jamais remis en état et la rivière reprit paisiblement son cours entre les
côteaux du Layon.
Sources
AD Maine-et-Loire, registres
BMS Concourson 1743-1792, vues 231/442 et 256/442
AD Maine-et-Loire,
Dictionnaire historique de Maine-et-Loire de Célestin Port, édition originale
et édition révisée
Gallica, Le Layon, le rôle
économique de sa canalisation sous le nom de Canal de Monsieur, par A.
Bouchard, secrétaire de la Société agricole et industrielle du Maine-et-Loire,
1885
Wikipedia, article sur le
Layon (rivière)
L'incurie des finances de l'Etat et les projets couteux qui tombent à l'eau :), comme tu dis, rien de nouveau sous le soleil.
RépondreSupprimerUne mine de charbon ? Il y avait aussi une mine de fer du côté de la Ferrière, et une grosse forge à La Peyratte. Décidément, ce coin de France me surprend
Merci Dominique de cet éclairage sur notre cher Layon qui reste une des veines "caves" du vignoble angevin.
RépondreSupprimerÉtant gamin j'avais exploré avec un copain une des galeries de mines et était rentré à la maison, sous la colère de ma mère.... noir comme il se devait!
Tu te souviens qu'un de nos ancêtres communs, Antoine Mêtreau, qui demeurait à Concourson, est qualifié de "mêtre de mine" lors du baptême de son fils aîné en 1730 ?
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