J'ai retrouvé parmi les papiers de famille le livre de
raison de mon arrière-grand-père Achille Maitreau. Celui-ci était né à
Concourson, dans le Maine-et-Loire, en 1821, mais les hasards de la carrière
militaire le conduisirent à Pau, dans ce département que l'on appelait alors
les Basses-Pyrénées. Il y resta jusqu'à la fin de sa vie.
Le 9 juin 1868, le capitaine au 58e régiment
d'infanterie de ligne, chevalier de la Légion d'honneur, en garnison à Pau,
épousa la fille unique d'un médecin-major en retraite, Eugénie Morel. Il avait
quarante-sept ans et son épouse déjà trente-sept ans. Elle lui donna néanmoins
deux enfants dans les années qui suivirent : Maurice, mon grand-père
maternel, né en 1869, et Marie, née en 1871.
Le document qui nous intéresse est un cahier d'une trentaine
de feuillets, doté d'une couverture cartonnée, intitulé "Carnet de la
famille Maitreau-Morel destiné à notre fille Marie".
Les premières pages me furent fort utiles pour débuter mes
recherches généalogiques. Elles mentionnent en effet le mariage d'Achille et
d'Eugénie, en indiquant la date de naissance, le lieu de naissance et la
filiation des deux époux. Elles mentionnent ensuite les deux enfants nés de ce
mariage et le mariage de chacun d'eux.
Les pages suivantes sont relatives au patrimoine du
couple : avoir du mari (valeurs mobilières et héritage d'une tante), avoir
de l'épouse au jour du mariage (son trousseau), acquêts en communauté (un
terrain), plus tard dot de la fille et dot du fils… Les dernières pages sont de
la main de Maurice. Elles récapitulent les titres que possédait son père au 1er
août 1914. Achille Maitreau, veuf depuis quelques années, avait alors
quatre-vingt-treize ans et rendrait son dernier souffle quelques mois plus
tard.
Le carnet, étant destiné à Marie, la sœur de Maurice,
comprend également quelques annotations de la main de cette dernière.
Les pages 16 et 17 sont les plus émouvantes. Elles
décrivent le trousseau de la mariée, estimé à deux mille francs : du linge
de maison, un peu de vaisselle et quelques couverts, des vêtements, quelques
bijoux. Qui en a fait la liste ? Il est possible qu'Achille Maitreau n'ait
fait que recopier un inventaire figurant dans le contrat de mariage, signé
devant notaire le 30 mai 1868, je n'ai pas encore eu l'opportunité de le
vérifier.
Chaque ligne ou presque mériterait des commentaires. Je
passe sur les quatre paires de draps, les six taies d'oreiller, les six
serviettes de toilette (à ne pas confondre avec les douze essuie-mains et les
douze torchons). Le linge est-il brodé ou chiffré ? Cela n'est pas
précisé.
La liste des vêtements est sans doute représentative de la
mode du Second Empire. Elle évoque pour moi l'exposition qui vient de s'achever
au Musée d'Orsay(1). On y parle de camisoles,
de casaques et de crinolines, de jupons, d'un corset et de robes en jaconas(2).
Je note au passage ce petit coup de patte : "2
robes de soie (vieilles)".
Je rêve un instant sur les trente chemises de toile, les
dix-huit paires de bas et sur le manchon avec sa palatine, cette écharpe de
fourrure gracieusement enroulée autour du cou pour se protéger des frimas. Elle
appellerait le pinceau du peintre. Une aumônière en cuir ensuite, mais pas de
gants ni d'ombrelle ni de chapeau (à part un "chapeau blanc de mariée") ? Il y aurait de quoi froncer les
sourcils !
Deux châles, deux manteaux en drap et un autre en laine
grise indiquent que le climat palois n'est pas toujours aussi doux que le
prétendait ma grand-mère Julia.
Les bijoux me paraissent modestes : une montre en or
avec clef (du genre de celles que l'on portait en sautoir sans doute), deux
camées, un bracelet en corail et un autre en argent doré, deux bagues, une
paire de boucles d'oreille… À côté du carnet de cartes de visite et du livre de
messe, Marie a ajouté des années plus tard d'une écriture tremblée la mention "en
écaille".
Si la cafetière en argent à manche d'ivoire a pu susciter
des convoitises, il n'y a que quatre couverts en argent, quatre cuillers à
café, quatre couteaux à dessert en argent, accompagnés de quatre couteaux à
manche d'ivoire et de quatre couteaux "ordinaires" ! L'unique cuiller à potage en Ruolz(3) doit en réalité être une louche, je
suppose.
Cette énumération et ce qu'elle révèle de l'intimité d'une
bisaïeule me donnent envie de rechercher les contrats de mariage et les
inventaires après décès de mes ancêtres. Et vous, avez-vous fait des
découvertes comme celle-ci ?
(1) L'Impressionnisme et la Mode, du 25 septembre 2012 au 20 janvier
2013.
(2) Fine étoffe
de coton, entre la mousseline et la percale.
(3) Procédé
d'argenture ou de dorure galvanoplastique breveté en 1841 par le baron du même
nom.
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RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerJe fais suite à la demande du commentateur anonyme et je supprime son message pour que son adresse ne soit pas exploitée à mauvais escient.
RépondreSupprimerQuel document émouvant ! Merci pour ce partage !
RépondreSupprimerIl s'agit là d'un document bien précieux et il est nécessaire d'en faire état et de le partager
RépondreSupprimerMerci :-)