Lorsque j'entamai des recherches généalogiques sur mes
ancêtres, je tentais d'abord naïvement de remonter le plus loin possible dans
le temps. À partir d'une naissance ou d'un baptême, je recherchais le mariage
des parents, qui me donnait l'identité des grands-parents, et ainsi de suite
d'acte en acte et de génération en génération. Je pense que nombre de
généalogistes amateurs ont commencé ainsi.
Pour ma part, j'arrivai assez rapidement au XVIIe siècle.
Selon la disponibilité des archives numérisées, l'état des registres
paroissiaux et mes modestes capacités à déchiffrer les écritures anciennes, je
butais tantôt sur les années 1660, tantôt sur les années 1620, avec néanmoins
quelques incursions à la toute fin du XVIe siècle : l'acte
de baptême le plus ancien relatif à mes ancêtres directs concerne une certaine
Perrine, fille de Guille. Berard et de Louise Besnard, baptisée le 19 mars
1599 à Chantrigné, dans l'actuel département de la Mayenne. À l'époque où
Henri IV régnait sur le royaume de France, donc !
Cette première période fut riche en surprises. Du
Maine-et-Loire à la Drôme et des Pyrénées aux Vosges, en passant par la Manche,
la Haute-Garonne ou le Loir-et-Cher, je découvrais des paroisses aux noms
poétiques, des métiers insoupçonnés et des religieux plus ou moins doués pour
la calligraphie.
Lorsque je feuilletais (virtuellement) les pages d'un
registre, en remontant de la dernière page à la première à la recherche d'un
mariage, je tombais souvent sur le baptême ou la sépulture d'un autre enfant du
couple. J'eus l'heureuse idée de noter ces événements sur des feuilles
volantes, paroisse par paroisse, en indiquant le numéro du folio, et de ranger
le tout dans un classeur.
J'eus assez vite envie de reconstituer les fratries à partir
de ces notes. Combien de frères et de sœurs mon ancêtre direct avait-il eus,
quel rang occupait-il, était-il l'aîné, le puîné ou le benjamin ? J'étais
mûre pour la deuxième phase de mes recherches. Je commençais à reconstituer le
parcours de ces collatéraux : s'étaient-ils mariés, avaient-ils eu des
enfants, quand étaient-ils passés de vie à trépas ? Ma base de données
augmentait à vue d'œil. J'identifiai plus facilement les liens de parenté avec
les parrains et marraines, tuteurs et curateurs, cousins germains et remués de
germains, toute cette parentèle présente lors des événements dont les actes de
baptême, de mariage et de sépulture sont le reflet.
Je fis de nouvelles découvertes. Je constatai que, dans les
couples, les naissances se succédaient parfois sur une vingtaine d'années au
rythme d'une tous les dix-huit mois à deux ans, un peu moins au fil du temps,
que nombre d'enfants mouraient en bas âge et que nombre de mères mouraient dans
les jours qui suivaient l'accouchement, que les veufs se remariaient dans les
mois qui suivaient le décès de leur épouse, que les veuves n'étaient pas en
reste… Bref, l'histoire enseignée dans les manuels devenait soudain beaucoup
moins abstraite.
Marie-Thérèse et Geneviève Maitreau, Archives personnelles |
Un fait attira mon attention, le nombre d'enfants jumeaux :
pas moins de douze cas de naissances multiples parmi mes aïeux, en l'état
actuel de mes recherches. J'y étais particulièrement attentive, car ma mère
avait eu une sœur jumelle. Je n'ai malheureusement pas connu cette dernière,
car elle a été emportée par la grippe espagnole à l'âge de cinq ans, mais je
détiens quelques photos des deux enfants, l'une blonde et fragile (ma mère) et
l'autre plus potelée, aux cheveux plus sombres. C'était, à ma connaissance, un
cas unique dans la famille, avant que j'entame des recherches généalogiques.
Douze cas de naissances gémellaires, donc, dans ma
parenté : deux cas dans la branche maternelle et dix dans la branche
paternelle. Cela me parut considérable. Un petit détour par Wikipédia m'apprit
qu'il y a aujourd'hui en moyenne une paire de jumeaux pour 85 naissances
et historiquement une paire de jumeaux pour 80 naissances. Les facteurs
déterminants seraient le recours à des techniques de reproduction assistée (çà,
c'est valable pour l'époque actuelle), l'âge élevé de la mère, ainsi que des
prédispositions individuelles ou familiales du côté de la mère.
Je voulus en avoir le cœur net. Comment faire ? À
partir de la liste de mes ancêtres directs, j'ai d'abord recensé le nombre de
couples qu'ils ont formés (parfois plusieurs pour un même ancêtre, s'il y a eu
des mariages successifs). J'ai inscrit en regard le nombre d'enfants issus de
ces couples. J'ai prévu une colonne supplémentaire pour recenser les naissances
attestées par un acte de naissance ou de baptême. Il arrive en effet que la
filiation soit simplement déduite à partir d'un acte de mariage (dans ce cas,
le degré de certitude est fort) ou simplement parce qu'un participant à une
cérémonie est désigné comme frère ou sœur d'une autre personne (dans ce cas le
risque d'erreur est plus élevé, notamment lorsque le prénom usuel diffère du
prénom de baptême).
En l'état actuel de mes recherches, j'ai donc dénombré
329 couples sur treize générations. Ces couples ont eu 993 enfants
identifiés, dont 797 attestés par des actes de naissance ou de baptême. Ce
dernier chiffre est vraisemblablement très en dessous de la vérité pour deux
raisons : je n'ai pas tenu compte des filiations prouvées uniquement par
un acte de mariage et je n'ai pas encore reconstitué complètement les fratries
pour les générations les plus éloignées. C'est donc une approche empirique, qui
ne satisferait sans doute pas un statisticien, mais qui me permet quand même de
me faire une idée.
Eh bien, j'arrive à une paire de jumeaux pour
66 naissances si je ne tiens compte que des enfants pour lesquels j'ai
trouvé un acte de baptême. Mais j'arrive à une paire de jumeaux pour
82 naissances si je tiens compte de tous les enfants identifiés. J'en
conclus que la proportion de naissances multiples chez mes ancêtres serait
plutôt conforme à la moyenne, contrairement à ce que je pensais tout d'abord.
Et vous, combien de jumeaux avez-vous repérés parmi vos
ancêtres ?
Oh le gros travail...
RépondreSupprimerJe n'ai pas encore attaqué cette seconde phase qui consiste à identifier les fratries, au delà de mes arrières grands parents, où je trouve 2 paires de jumeau pour 56 enfants.... pas très significatif!
Mais je vais travailler le sujet.
Oui quel travail !!!
RépondreSupprimerJ'avais l'impression aussi avant de lire votre article qu'il y avait plus de grossesses gémellaires "avant" que de nos jours au vu de mes recherches. Mais cela doit être effectivement une vue de l'esprit.
Je ne m'attaquerai pas aux mêmes statistiques que vous, je n'ai pas encore assez chercher de fratrie et cela serait grandement faussé.
Je ne peux pas vous dire non plus combien j'ai recensé de jumeaux. Comme dirait Fernand Raynaud: un certain nombre ... voire un nombre certain !!
Valérie
Bonsoir,
RépondreSupprimerCe travail est vraiment très intéressant.
J'ai constaté aussi un certain nombre de jumeaux dans ma famille mais je n'avais jamais pensé à chercher si ces chiffres étaient dans la moyenne. Il va falloir que je me penche là dessus !
Bravo en tout cas pour ces recherches, et pour votre blog.
Elise
Mais quel travail, Dominique, bravo...
RépondreSupprimerJ'ai moi aussi commencé il y a quelques temps à relever les jumeaux que je trouvais dans une de mes branches, parce que je trouvais qu'ils étaient nombreux, mais je suis loin d'avoir reconstitué les fratries ...
Un jour, peut être ...
En tout cas, encore bravo
Merci pour cet article ! Un document passionnant sur le sujet avec une courbe qui en dit long :
RépondreSupprimerhttp://www.ined.fr/fichier/t_telechargement/34464/telechargement_fichier_fr_pisoncouvf.pdf
A noter en particulier le pic de 1919 !
@Gloria Godard
RépondreSupprimerMerci pour le lien vers le document où le sujet est traité d'une façon beaucoup plus approfondie et plus rigoureuse que la mienne.
Bonjour,
RépondreSupprimerY a-t-il une fonction dans hérédis pour "sortir" les jumeaux ?
Pas à ma connaissance. J'ai passé en revue tous mes ancêtres en ligne directe et utilisé un tableur pour obtenir ces statistiques.
SupprimerOui ! il existe une fonction ! à partir de la liste d'individus, vous choisissez comme critère "Relations" puis "Personnes liées" et "Jumeaux" dans type de lien … vous lancez la recherche sur toute votre base. Par contre dans le menu "Recherche intelligente", je n'ai rien trouvé ! Ceci dit, je l'ai testé sur ma base et il ne m'en remonte aucun alors que je suis persuadée d'en avoir trouvé au moins un ou deux cas !
SupprimerJe viens de tester le tri que vous indiquez. Cela fonctionne à condition d'avoir saisi l'information dans la rubrique correspondante "Personnes liées" sur la fiche des personnes concernées, ce que je ne pense pas toujours à faire.
Supprimermon arrière grand-mère a eu deux fois deux jumeaux, nés coup sur coup (parmi lesquels mon grand-père) mais effectivement je ne me suis jamais posé la question de savoir si cela c'était déjà produit dans les fratries avant eux ! je vais chercher, c'est un angle de recherche qui me plait beaucoup ! Merci merci de cette idée qui devrait rebooster mes recherches personnelles ! A bientôt Dominique.
RépondreSupprimerMa grand-mère maternelle a eu des jumeaux. Mais rien trouvé d'autres pour l'instant...
RépondreSupprimerSuzanne
Ma grand mère qui était jumelle fausse mais jumelle quand même avait une théorie comme quoi les jumeaux sautaient une génération ce qui s était passée pour ses ancêtres je crois mais pas pour moi! Néanmoins je crois que les mères plus âgées ont plus de chance de avoir des jumeaux elle fut la dernière a survivre d une longue fragile de 11 enfants
RépondreSupprimerL'étude me parait intéressante avec ses statistiques et j'essayerai peut-être un jour d'approfondir les données pour mon arbre et celui de ma femme.
RépondreSupprimerDans l'immédiat sur la base sur des actes de naissance je note de mon coté mon sosa 32 coté paternel et mon grand-père coté maternel.
Très bien écrit et passionnant
RépondreSupprimerMerci
Merci, je suis ravie que cet article, écrit au début de mes recherches, vous ait plu.
SupprimerC'est possible en utilisant une des 4 rubriques personnelles (si elles ne sont utilisées à d'autres infos). En codant les mères ayant eu des jumeaux avec un caractère distinctif ça marche. Il est même possible d'affiner avec J1= 2 fils, j2= 2 filles j3= fils et fille.
RépondreSupprimerintéressant domaine à découvrir.beau travail.
RépondreSupprimerQuelques jumeaux chez des proches donc je vais regarder ça.
Mon père est jumeau, ma mère est jumelle.
RépondreSupprimermes parents ont eu 11 enfants, aucun jumeau. 17 petits-enfants dont une fois des jumeaux.22 arrières petits-enfants: pas de jumeaux.
ma grand-mère maternelle a eu 10 enfants, dont 2 fois des jumeaux.Aucun de ses enfnats n'a eu de
Ma grand-mère maternelle a eu 2 fois des jumeaux.
Sa belle mère a aussi eu 2 fois des jumeaux.
Merci pour votre article qui est très intéressant. Je suis moi-même jumelle avec un garçon et je n`ai retrouve des jumeaux que dans la branche paternelle a la 5eme génération (frère de la compagne de mon arrière arrière grand père).J`ai eu aussi des jumeaux dans ma branche maternelle a la 5eme génération mais pas en lignée directe. Depuis, pas de trace de jumeaux récents ni du cote de mon frère ni de mon cote, ni de celui des mes autres frères et sœur (nous sommes déjà tous grands-parents et voir même arrière-grands-parents pour certains).
RépondreSupprimerJe pense que je vais utiliser votre méthode de comptabilisation des fratries. Encore merci.
Bonjour et merci pour ces statistiques très intéressantes!
RépondreSupprimerJe voudrais ajouter un problème que posaient parfois les naissances gémellaires, qui explique l'absence de jumeaux là où il en existait bien!
-ma grand-mère (née en 1875) était sûre que sa propre mère avait une soeur jumelle, qu'elle a très bien connue. Or, j'ai retrouvé la déclaration de naissance ce cette personne (ma trisaïeule), mais aucunement la naissance d'une soeur jumelle, même en étudiant l'état civil de la veille ou du lendemain! Ni de décès déclaré .Que s'était-il passé? Cette jumelle était-elle passée pour mort-née avant de survivre?
-même cas de figure dans un village perché des Alpes de Hautes Provence que ma grand-mère connaissait bien: le père prend la route pour déclarer la naissance d'une petite fille et à son retour, le soir, une jumelle était née: il n'est jamais retourné la déclarer et cette pauvre femme a vécu...sans état-civil, sinon sa bonne foi!
Merci à tous!
D’après ma fille, qui est docteur en médecine, la gémellité peut se transmettre par les hommes mais ne se manifeste que chez les femmes. Autrement dit, si le caractère existe dans ma famille, il n’y a aucun risque que j’aie des jumeaux, mais ma fille peut en avoir.
RépondreSupprimerDans le cas précis de ma famille, la tradition veut que ma grand’mère maternelle ait eu des jumeaux. Dans la pratique je n’ai trouvé aucune trace dans les registres d’état civil. Mais il est possible que ma grand’mère ait fait une fausse couche de jumeaux. Cela ne laisse de trace dans l’état civil que s’il s’agit d’enfants mort-nés, mais cela laisse des traces dans la mémoire familiale.
Ma mère, sa fille, a eu des jumelles.
Je n’ai pas eu de jumeaux, mais j’ai transmis le caractère à ma fille qui a eu des jumeaux.
bonsoir,
RépondreSupprimerj'ai en effet remarqué également, que dans tous les villages, toutes les périodes où m'ont amenée mes recherches généalogiques, il y a, chaque année, au moins une paire de jumeaux. Par contre, autant dans ma propre généalogie que dans celle de mon mari, pas une trace de jumeaux. Si ma sœur, mais sur stimulation, donc pas génétique
merci pour cette discussion
Merci pour cette étude très intéressante. J'avais bien noté l'existence de jumeaux et surtout de jumelles parmi mes aïeux mais sans en faire une étude spéciale, et pourtant j'étais sensible à ce sujet puisque j'ai 2 soeurs jumelles, les dernières nées parmi 5 filles. Maintenant vous avez renouvelé mon intérêt pour ce sujet. Je vais m'y mettre.
RépondreSupprimerJe me demande si les lecteurs qui ont posté des commentaires ci-dessus depuis 2012 ont des résultats à nous proposer. Merci de bien vouloir partager.
En Savoie aucun jumeau dans ma famille paternelle. Pourtant je suis arrivée début 1600. Et j’en ai relevé très peu dans d’autres familles. Feraient-ils mentir les statistiques ?
RépondreSupprimerGrand-père maternel : jumeau avec une sœur
RépondreSupprimerSosa 32 coté paternel : jumeau avec un frère
soit 24 descendants selon un premier décompte
Avec génétique je ne sais s'il existe une façon de repérer les jumeaux...