lundi 21 mai 2018

Batteur d'or

Le fils aîné de Stéphanie Anne Chancé, Théodore Chalot, était batteur d'or à Paris durant le Second Empire. Intriguée par ce métier peu courant (c'est la première fois que je le rencontre dans mes recherches généalogiques), j'ai voulu en apprendre davantage.

Le batteur d'or fabrique des feuilles d'une épaisseur quasiment impalpable, destinées à… la dorure. Bon, jusque là, j'ai le niveau ! Mais quels sont ses clients potentiels ? Des images me viennent à l'esprit : outre le dôme des Invalides ou les somptueuses boiseries de l'hôtel de Soubise, je visualise sans trop de peine le doreur sur bois, qui applique les feuilles sur les bras d'un fauteuil, à l'aide d'une palette dont il a préalablement frotté les poils contre sa joue ; ou le doreur sur cuir qui ravive les motifs d'une reliure avec ses roulettes et ses fers à dorer ; mais qui d'autre ?

Un petit tour sur le site de l'Institut national des métiers d'art vient à propos enrichir mes connaissances : j'avais oublié les enlumineurs, les marbriers et les graveurs, les peintres d'icônes, les laqueurs, les porcelainiers, les verriers d'art… tous ces artistes utilisent de l'or, qu'il soit en feuilles, en poudre ou en paillettes. Et font donc appel à la production du batteur d'or.

Atelier de batteur d'or au XVIIIe siècle, in l'Encyclopédie de Diderot

C'est un métier plutôt physique, proche de l'artisanat, qui remonte à la nuit des temps et qui a perduré jusqu'à aujourd'hui, même s'il est devenu rare dans nos contrées.

Mais comment procéder pour obtenir ces fragiles feuilles d'or ?

Première étape, la fonte du métal dans un creuset, en y ajoutant éventuellement une petite quantité d'argent, de palladium ou de cuivre, pour obtenir des nuances différentes, plus pâles ou plus soutenues, tirant sur le vert ou sur le rouge. Le métal en fusion est coulé dans une lingotière, dans laquelle il va refroidir.

Étape suivante, le laminage à l'aide d'une machine pour transformer le lingot en un long ruban, qui sera ensuite découpé en carrés, placés entre des feuilles de vélin. C'est alors qu'intervient le battage proprement dit, mécanique, puis manuel. Sous les coups de marteau, les carrés s'arrondissent en s'étalant et deviennent de plus en plus fins. Après plusieurs manipulations, on finit par obtenir des carnets de feuilles d'or d'une extrême finesse (de l'ordre d'un millième de millimètre d'épaisseur).

Tout un vocabulaire spécifique est associé à ce métier : le caucher (carnet de feuilles de vélin dans lequel est placé l'or à battre), le chaudret (même assemblage à une autre étape du processus), la baudruche, la moule…

Théodore Chalot, l'un des neveux de mon arrière-grand-père paternel, exerçait donc à Paris ce métier peu commun. C'est du moins ce qui est indiqué dans l'acte qui constate son décès à Buais (département de la Manche), chez sa mère, en août 1867. Il avait vingt-cinq ans.


Sources

Institut national des métiers d'art

Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, par Pierre Larousse, sur le site BnF Gallica

Site de la maison Dauvet http://www.dauvet.com/fr/

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