lundi 20 novembre 2017

Le maire s'inquiète des usages

Après avoir largement exploité le registre des délibérations de la municipalité d'Aucun durant la Révolution, je décide de pousser un peu plus loin et de feuilleter les pages suivantes.

Manifestement, les procès-verbaux de toutes les réunions n'ont pas été conservés, puisque le registre saute allègrement de juin 1805 à novembre 1819 et de là à juillet 1821 : nous zappons allègrement la quasi totalité du Premier Empire, ainsi que la Première Restauration, pour retrouver nos Pyrénéens sous le règne de Louis XVIII.

Certains documents ne manquent pas de sel. Devinez, par exemple, ce qui préoccupe le maire lors de la séance du 2 janvier 1822 : les enterrements !

Les citoyens d'Aucun sont confrontés à deux difficultés. La première est d'ordre financier : "Il s'est établi dans cette commune comme dans plusieurs autres, comme un usage dans les mortuaires et les neuvaines(1), d'ouvrir la porte à tous les parents du mort, soit proches, soit éloignés, qu'on est obligé de régaler ; que les dépenses qu'on est obligé de faire sont trop indécentes et ruineuses, pour les laisser subsister".

La seconde est d'ordre pratique : quand il s'agit de porter le corps jusqu'à sa dernière demeure, a contrario on manque de bras !

Le conseil municipal va donc tenter de réglementer. Pour ce faire, il a recours à l'ancienne division de la paroisse en "dizaines" qui correspondent, semble-t-il, à des quartiers : "Deux personnes de chaque maison de la dizaine assisteront au convoi funèbre, les deux plus proches voisins feront, pendant la nuit et indépendamment des proches parents, la garde de la personne morte, les hommes de la dizaine porteront le cadavre à l'église et l'enterreront".

Abords de l'église d'Aucun
Collection personnelle

Mais attention ! Le jour de l'enterrement et le jour de la neuvaine, pas plus de deux proches voisins, en plus des fils et petits-fils de la maison, au repas funèbre : "il est défendu à toute autre personne soit de la commune, soit même étrangère de s'introduire dans la maison du mort pour y boire ou manger" et la consigne vaut également pour les sonneurs de cloches. Ces derniers recevront un franc cinquante centimes pour tout salaire de la part des parents du mort.

Le conseil municipal prévoit même une amende en nature en cas de contravention à ces dispositions : une livre de cire, au profit de l'église, à remettre entre les mains du marguillier.

Voilà, qu'on se le dise !



(1) Cérémonie de commémoration neuf jours après le décès.

3 commentaires:

  1. C'est vraiment intéressant de découvrir sous ta plume alerte, les funérailles d'antan. On imagine, faute de documents, qu'elles se pratiquaient plus ou moins comme de nos jours. Merci de nous apprendre tout cela.

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    1. Les registres de délibérations sont pleins de surprises !

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  2. En Alsace aussi, des mesures très strictes ont été prises à une époque, notamment envers les mariages dont le coût des festivités devenait de plus en plus exorbitant, où les menus les plus gargantuesques, étalés sur plusieurs jours, se chiffraient en nombre de boeufs, de porcs, de saumons et de truites, de corbeilles d'oeufs, de quintaux de farine et de sucre, etc... transformés et mitonnés pour régaler le nombre impressionnant de convives gloutonnes invitées sur un seul mariage.
    Et l'on se vantait en ces temps là d'être invité au festin "où l'on ne lésine pas avec le beurre"... Gargantua en aurait certainement été jaloux !
    Merci Dominique de nous faire connaître les moeurs d'autres régions.
    Jean-Louis.

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