J'évoquais la semaine dernière le cahier dans lequel mon
arrière-arrière-grand-père François Morel avait recopié ses diplômes, ses
ordres de mission et ses états de services.
En première page figure son diplôme de bachelier ès lettres,
dont voici le texte :
"Nous, Baron
Georges Cuvier, Officier de l'ordre royal de la
Légion d'honneur, Conseiller d'Etat, l'un des 40 de l'Académie
française, secrétaire perpétuel de celle des sciences, exerçant les
fonctions de Président du Conseil royal de l'Instruction publique,
vu le certificat d'aptitude au grade de Bachelier ès-lettres accordé
le 10 octobre 1821 par le Doyen et les Professeurs de la faculté des
lettres, Académie de Nismes, au sieur Morel, François Maurice
Légion d'honneur, Conseiller d'Etat, l'un des 40 de l'Académie
française, secrétaire perpétuel de celle des sciences, exerçant les
fonctions de Président du Conseil royal de l'Instruction publique,
vu le certificat d'aptitude au grade de Bachelier ès-lettres accordé
le 10 octobre 1821 par le Doyen et les Professeurs de la faculté des
lettres, Académie de Nismes, au sieur Morel, François Maurice
né à Peyrus, département
de la Drôme, le 22 novembre 1800 ;
vu l'approbation donnée à ce certificat par le Recteur de la dite
Académie ; ratifiant le susdit certificat ; donnons, par ces présentes,
au dit sieur Morel, le diplôme de Bachelier ès-lettres pour en
jouir avec les droits et prérogatives qui y sont attachés par les
lois et règlemens, tant dans l'ordre civil que dans l'ordre des
fonctions de l'Université."
vu l'approbation donnée à ce certificat par le Recteur de la dite
Académie ; ratifiant le susdit certificat ; donnons, par ces présentes,
au dit sieur Morel, le diplôme de Bachelier ès-lettres pour en
jouir avec les droits et prérogatives qui y sont attachés par les
lois et règlemens, tant dans l'ordre civil que dans l'ordre des
fonctions de l'Université."
Dans ma naïveté, je trouvais que bachelier à vingt-et-un
ans, bon… il n'y avait pas de quoi vraiment pavoiser. Et puis j'ai eu l'idée de
faire des recherches.
J'ai d'abord découvert que le baccalauréat avait été créé en
1808, soit seulement treize ans auparavant ! Inutile de préciser que,
l'instruction n'étant pas obligatoire à cette époque, les candidats et, partant,
les diplômés furent fort peu nombreux lors des premières sessions : à
peine 31 bacheliers en 1809, première année de l'examen, quelques
centaines ou quelques milliers les années suivantes, avec un pic de 4 503
bacheliers en 1821(1). Précisément l'année où François
Morel décroche le fameux diplôme.
Quelques précisions. Le décret du 17 mars 1808 a
institué trois grades universitaires, baccalauréat, licence et doctorat, qui
sont conférés par les Facultés à la suite d'examens publics.
Il faut remplir plusieurs conditions pour pouvoir se
présenter au baccalauréat :
- Être âgé d'au moins 16 ans,
- Justifier d'une année de rhétorique et d'une année de philosophie (à partir de 1810), puis seulement d'une année de philosophie (à partir de 1820),
- Être en mesure de "répondre sur tout ce que l'on enseigne dans les hautes classes des lycées".
Pas de programme clairement défini, contrairement à ce qui
se pratique de nos jours, donc.
Le baccalauréat est alors un examen purement oral, devant un
jury de trois personnes présidé par un professeur de Faculté. L'épreuve dure
environ une demi-heure et consiste, semble-t-il, en une sorte d'explication de
texte. Au fil du temps, s'y ajouteront des questions sur la rhétorique,
l'histoire, la géographie, la philosophie, voire les mathématiques et la
physique.
L'examen est par ailleurs payant : il faut acquitter un
droit fiscal de 50 francs.
Le baccalauréat ès sciences, créé en même temps que le
baccalauréat ès lettres, est subordonné à l'obtention préalable de ce
dernier. Un baccalauréat ès sciences physiques (allégé de la partie
mathématique) fut institué en 1821 et bientôt exigé pour l'accès aux études de
médecine. Sauf durant une période allant de 1831 à 1837, or le diplôme
de docteur en médecine de François Morel est daté de 1835, ce qui m'incite à
penser qu'il bénéficia vraisemblablement de cette dispense.
Ce fameux baccalauréat, qui nous paraît si banal de nos
jours, même s'il alimente abondamment les journaux télévisés à la fin de chaque
année scolaire, était donc un diplôme nouveau et rare en 1821, alors que la
France comptait un peu plus de 31 millions d'habitants. Je comprends mieux
la fierté de François Morel !
(1) Le pic de 1821 s'explique au moins en partie par le fait qu'une ordonnance de 1820 rend le baccalauréat obligatoire pour l'accès aux carrières civiles, administrations, grandes écoles…
Sources
Journal de la Société statistique de Paris, tome 60
(1919), p.8 à 35, Paul Mauriot, Le baccalauréat. Son évolution historique et
statistique des origines (1808) à nos jours
Journal de la Société statistique de Paris, tome 5 (1864),
p.131 à 136, Du recrutement du corps médical en France
Rapport d'information de M. Jacques Legendre, fait au nom de
la commission des affaires culturelles, déposé le 3 juin 2008 au Sénat, À
quoi sert le baccalauréat ?
Quelle chance d'avoir de tels documents. Je confirme: tu peux être fier de ton aïeul ��
RépondreSupprimerOui, je suis plutôt fière de celui que la famille appelait "le grand-père Morel", même s'il était en réalité le grand-père de mon grand-père. D'autant plus que ses propres parents étaient incapables de signer le moindre registre.
RépondreSupprimerBelle réussite sociale pour cet aïeul et on peut imaginer la fierté de ses parents d'autant, comme tu le dis, ils ne savaient pas écrire !
RépondreSupprimerMerci pour ce partage ;-)