Je vous propose aujourd'hui deux photos, assez semblables
dans leur esprit, tirées de mes archives personnelles.
Sur la première, figure mon grand-père maternel. Et,
miracle, elle comporte une légende au dos : "Maurice Maitreau et
Pompon au chemin du Salié près de l'hippodrome à Pau en 1912", sans doute rédigée par sa sœur Marie. Mais méfions-nous. Maurice aurait donc un peu plus de quarante ans au moment où la
photo a été prise, ce qui me surprend, au vu des autres portraits dont je
dispose : sur ce cliché, je lui aurai donné facilement dix ans de
moins ! J'admire au passage sa moustache conquérante, la cravate et le col
à coins cassés, ainsi que le canotier crânement porté. Et si cette photo était
antérieure à son mariage, célébré en novembre 1900 ?
Mon grand-père, Maurice Maitreau |
Le tirage, contrecollé sur carton, fait partie d'un lot de
photos anciennes données à ma mère par sa cousine Andrée, la propre fille de
cette fameuse Marie. Je me souviens fort bien de ma grand-tante, rencontrée
alors qu'elle avait quatre-vingt-cinq ans. C'était durant l'été 1956, le seul
de mon enfance passé dans les Pyrénées. Il est tout à fait possible que les
annotations aient été inscrites sur les photos à cette époque, ou même plus
tard, et que la mémoire de la vieille dame lui ait joué quelque tour.
L'écriture un peu tremblée va dans le sens de cette hypothèse.
Je n'ai malheureusement pas connu mon grand-père, mort en
1939, à l'âge de soixante-dix ans.
Mon oncle, Paul Maitreau |
Sur la seconde photo, je reconnais sans peine le frère aîné
de ma mère, Paul Maitreau. Là, pas de légende, mais je dispose d'une série de
petits clichés pris au même endroit. Je vous laisse apprécier les annotations,
inscrites au dos, d'une fine écriture à la plume, par mon grand-père
Maurice :
- Sur la première "Opérette III p.s.A.Ar. 50% par Kesbou et Orientalette, 3 ans, 3 janvier 1935"
- Sur une autre "20 avril 1935, Rameoüs 2a p.s.A."
- Sur la troisième "20 avril 1935, Opérette III, Camélia II, Belle et Bonne II, Reine Denouste, Rameoüs"
Ces fameuses photos qui m'ont fait tant râler parce qu'elles
comportaient les noms des chevaux, parfois même leur âge et leur ascendance,
mais restaient muettes sur les cavaliers !
Heureusement, un autre agrandissement comporte les mentions
suivantes : "La Ronceraie, l'Écurie, 1935". Cette fois-ci, c'est ma cousine Geneviève qui
a éclairé ma lanterne : la Ronceraie était une chartreuse, c'est-à-dire
une maison sans étage, louée par mes grands-parents à Toulouse dans les années
trente. Elle y séjourna alors qu'elle n'était encore qu'une petite fille,
capricieuse d'après ses dires, et en garde des souvenirs précis.
Paul aurait donc à peu près trente-deux ans sur la photo, ce
qui paraît cette fois-ci tout à fait vraisemblable. Il arbore cette élégance
décontractée qu'il garda toute sa vie, avec une prédilection pour les chapeaux
mous et les vestes confortables.
Mon grand-père Maurice Maitreau était greffier en chef au
tribunal civil d'Oloron-Sainte-Marie, mais il entretint tout au long de son
existence une véritable passion pour les chevaux. J'ai, parmi les papiers de
famille, une carte délivrée par la Société d'Encouragement pour l'Amélioration
des Races de Chevaux en France, qui l'autorise à entraîner durant l'année 1936,
ainsi qu'une autre pour l'année 1939. Il transmit incontestablement le virus à
son fils Paul.
Source Archives personnelles |
Des recherches effectuées sur Gallica, le site de la
Bibliothèque nationale de France, confirment ce penchant familial. Le nom de
Maitreau apparaît à plusieurs reprises en 1938 dans une somme de plus de
600 pages, intitulée Les Sports hippiques(1), sorte d'annuaire du monde du cheval. Mon grand-père
Maurice y figure dans la liste des personnes admises à entraîner au galop en
province, ainsi que dans la liste des commissaires de courses sur l'hippodrome
de Pau. Mon oncle Paul y figure dans la liste des "gentlemen riders"
admis à monter en courses en tant
qu'amateurs (par opposition aux jockeys professionnels). Cette année-là, il
termina premier dans trois courses de plat.
J'ai également retrouvé dans la malle aux trésors familiale
un programme de l'hippodrome du Pont-Long, daté du dimanche 12 février
1939. J'y vois le nom de mon grand-père tant dans la colonne des entraîneurs
que dans celle des propriétaires : lors de cette réunion, il fit courir un
certain Royal Ra sous ses couleurs, casaque gros vert, bretelles vieil or,
toque gros vert. L'histoire ne dit pas s'il remporta un prix, mais j'aurais
tendance à penser qu'il dépensa dans cette activité plus d'argent qu'il n'en
gagna, laissant son épouse dans une situation financière précaire pour le
restant de sa vie.
Mais revenons aux photos. J'ignore qui les a prises :
la posture des cavaliers, de profil, regardant droit devant eux, me semble
plutôt destinée à mettre en valeur les appuis des chevaux, leur croupe et leur
encolure. Je remarque également la monte très différente des deux hommes :
mon grand-père, qui ne mesurait qu'un mètre cinquante-huit, est presque debout
sur ses étriers, alors que mon oncle, qui n'était guère plus grand, a une
position beaucoup plus assise, sur une selle beaucoup plus légère. Je n'en tire
aucune conclusion.
Inutile de préciser que la mort de mon grand-père d'une part
et la deuxième guerre mondiale d'autre part mirent brutalement fin à ces
activités. Personne ne reprit le flambeau par la suite…
(1) Les Sports
hippiques 1938, publiés sous la direction du commandant G. H. Marchal,
imprimerie Busson 117, rue des Poissonniers, Paris 18e
tres belles photos de chevaux, qui comme tu le dis sont là pour mettre en valeur les chevaux, et non le cavalier. Bel "héritage" familial :)
RépondreSupprimerTrès bel article, on ressent vraiment la passion des chevaux au travers des annotations.
RépondreSupprimerC'est drôle, parce que mes Métreau (Maitreau) de Romorantin dont je descends comptent un marchand de chevaux parmi eux !
RépondreSupprimerOui, très bel article, et beaux documents.
RépondreSupprimerJe l'ai lu avec d'autant plus d'attention que mon grand père maternel était lui aussi un amoureux des chevaux. Mais pour un paysans sarthois, c'était des percherons, son outil de travail. Remplacés par le tracteur, le progrès...
Dans mes plus anciens souvenirs, plus de chevaux dans la ferme familiale. J'ai toujours eu l'impression de ce fait d'avoir "raté" une facette importante de la personnalité de ce grand-père, cet homme de la terre.