Je ne sais pas vous, mais moi, ce sont mes
arrière-grands-parents qui me donnent le plus de fil à retordre ! Trop
éloignés pour recueillir des informations fiables et détaillées auprès de mes
parents (quand ils étaient encore là), trop proches pour avoir librement accès
à toutes leurs données d'état civil.
J'ai collecté sans trop de difficultés leurs actes de
naissance et de mariage, mais je bute sur les dates et les lieux de décès. Dans
le meilleur des cas, je dois me contenter d'une date approximative.
Plan de Paris en 1911, source Wikipédia |
Prenons par exemple Madeleine Laubret. En 1865, lors de la
naissance de mon grand-père paternel, elle demeurait avec son mari rue de
Richelieu à Paris, mais ensuite ? Plus rien. Je savais seulement qu'elle
n'était plus de ce monde lorsque son fils s'était marié, en avril 1908. J'avais
compulsé en vain les tables décennales des vingt arrondissements de Paris
jusqu'en 1902 : soit elle était décédée entre 1903 et 1908, soit elle
avait quitté la capitale avant la fin de sa vie, mais pour se retirer où ?
J'en savais un peu plus sur son mari, Frédéric François
Chancé, présent lors de plusieurs événements et qui partageait l'appartement de
son fils rue Pouchet, dans le 17e arrondissement, lorsque celui-ci
épousa ma grand-mère Jenny Letourneau. Mais quand avait-il rejoint l'autre
monde ? Mystère. Mon père n'en avait gardé apparemment aucun souvenir.
Alors ces jours-ci, quand Geneaservice a annoncé la mise
en ligne de nouvelles séries du fonds Coutot, j'ai craqué ! J'ai tapé mon
patronyme dans la petite case spécialement prévue à cet effet et... bingo, il y
avait plusieurs fiches potentiellement intéressantes, il fallait juste
débourser quelque menue monnaie. J'ai bien résisté deux jours (je réfléchissais
à la meilleure façon d'améliorer mes méthodes de travail et de redynamiser mes
recherches), et puis j'ai craqué.
Un certain François Chancé, âgé de 76 ans, était décédé
boulevard Ney, dans le 18e arrondissement, en octobre 1910 et une
certaine dame Chancé, âgée de 69 ans, était décédée rue du Quatre-Septembre en
novembre 1905. Mes arrière-grands-parents ? C'était fort plausible. Ils
ont longtemps résidé à la première adresse indiquée et un coup d'oeil sur un
plan de Paris m'a permis de constater que l'hôpital Bichat, situé boulevard Ney
dans le 18e, n'était pas très éloigné du quartier des Épinettes où
le père et le fils demeuraient en 1908. Un petit tour sur le site des Archives
de Paris, histoire de vérifier qu'il est possible de commander des actes
postérieurs à 1902 sur paris.fr, les demandes étant automatiquement transmises
aux mairies concernées, et il ne me restait plus qu'à guetter le courrier.
La première enveloppe est tombée dans la boîte aux lettres
lundi dernier, la seconde le lendemain. Mon intuition était bonne, il
s'agissait bien de Madeleine Augustine Laubret et de son mari. Je note au
passage l'extrême concision des fiches : "dame Chancé", alors
que l'acte de décès indique bien le nom de jeune fille et les deux prénoms. Une
certaine imprécision aussi : la date du 2 novembre est erronée, le
décès est survenu le 31 octobre et a été déclaré le 1er novembre.
Peu importe, j'ai entre les mains la copie intégrale de l'acte, qui me permet
de compléter la fiche de mon arrière-grand-mère dans ma base de données.
L'acte de décès de mon arrière-grand-père est encore plus
intéressant. Il est décédé boulevard Ney "bastion 39". Allons
bon, de quoi s'agit-il ? Internet est un outil formidable, j'ai trouvé
rapidement la réponse à ma question.
Vous savez sans doute que Paris s'est développé à partir
d'un noyau que l'on pourrait situer dans l'île de la Cité et que des enceintes
ont été successivement construites, notamment au Moyen-Âge, pour défendre la
capitale d'éventuelles attaques ennemies… mais aussi pour prélever au passage
un impôt sur les marchandises en circulation. C'est d'ailleurs pour cette seule
raison que fut construit, sous Louis XVI, le Mur des Fermiers
généraux : il n'en subsiste aujourd'hui que deux rotondes, celles de la
Villette et celle du parc Monceau, et deux "barrières", la barrière
d'Enfer et la barrière du Trône, non loin de la place de la Nation.
Sous la Monarchie de Juillet, entre 1841 et 1844, furent
édifiées les fortifications appelées "l'enceinte de Thiers", du nom
de l'homme politique qui en fut l'instigateur. Il s'agissait d'un ouvrage à des
fins exclusivement militaires, qui englobait non seulement Paris mais également
tout ou partie des villages qui l'entouraient (Montmartre, Auteuil, Passy…).
Ces derniers seront intégrés à la capitale lorsque celle-ci passera de douze à
vingt arrondissements, en 1860.
L'enceinte de Thiers comptait, nous y voilà,
quatre-vingt-quinze bastions. Le bastion 39, situé à proximité de la porte
de Saint-Ouen, fut désaffecté comme les autres lorsque les fortif' n'eurent
plus d'autre utilité que de séparer le Paris intra muros d'une "zone"
plus ou moins mal famée. Il servit d'abord de pavillon d'octroi (toujours les
impôts), puis fut cédé à l'Assistance publique qui l'agrandit et le transforma
en hôpital. Il ne subsiste rien aujourd'hui des bâtiments d'origine, mais
l'hôpital Bichat est toujours situé au même emplacement.
Mon arrière-grand-père, qui demeurait non loin de là, dans
le quartier des Épinettes, fut donc vraisemblablement admis à l'hôpital Bichat
pour y rendre son dernier souffle en octobre 1910.
Dans son numéro de février 2006, le Petit Ney, magazine
publié par l'association du même nom, retrace l'histoire de cet hôpital qui,
dans un premier temps, ne comptait que 191 lits. Une phrase me laisse
rêveuse : savez-vous que "ce n'est qu'en 1902, soit vingt ans
après sa construction, qu'une partie de l'hôpital sera alimentée en électricité" ? Une partie seulement ! On peine à
l'imaginer, tant son usage nous est devenu naturel.
Eh oui, les arrière-grands-parents (arrière-grands-oncles et tantes), tellement difficiles à localiser, en particulier leurs décès. Je cherche ainsi désespérément le lieu de décès de mon arrière-grand-père aux alentours de 1900. Une longue vie de Grivegnée à Liège, où naissent six de ses neuf enfants et puis, pff ! Plus rien ! Alors que je trouve sans difficulté l'acte de décès de son épouse à Liège en 1908. Ah oui, une piste : dans l'acte de mariage récemment déniché de son fils aîné à Paris, son nom est suivi de la mention "Schaerbeek", c'est à dire une commune bruxelloise. Y serait-il décédé peu après et sa veuve serait-elle retournée à Liège ensuite ? Il me reste à le découvrir.
RépondreSupprimerChere Dominique, un très bel article. Merci de nous avoir fait partager cette expérience! On résiste, on résiste.... et on craque... oui, mais on craque utile! Et quelle satisfaction d'avoir débloqué ce nœud généalogique !
RépondreSupprimerCe nouvel article était passionnant. Je trouve que tu as déjà une excellente méthode de recherche. Et tu nous fais partager le suspense, comme dans un bon roman policier !
RépondreSupprimerMerci Dominique, c'est en faisant un recherche sur le Bastion 39, mentionné également dans un acte de décès, que je suis tombée sur votre article. C'est formidable lorsque le blogs apportent des réponses aux chercheurs ! Au plaisir de vous lire!
RépondreSupprimerAnne
Ravie de vous avoir éclairée sur le sujet.
SupprimerUn de mes cousins est décédé également "Boulevard Ney, bastion 39". Merci pour ces informations.
RépondreSupprimerArticle très intéressant, j'ai également un ancêtre décédé dans cet hopital.
RépondreSupprimerJe viens de retrouver, le décès de notre arrière grand père dans ce bastion 39. et j'ai lu avec plaisir votre article BRAVO
RépondreSupprimerC'est également en cherchant le lieu de décès de mon arrière arrière grand mère décédée bd Ney, bastion 39, que j'ai découvert votre blog.
RépondreSupprimerMerci pour vos precieuses information cher Dominique Chadal, très pertinentes.