lundi 29 avril 2019

Du côté de mes ancêtres lorrains

Une récente alerte Geneanet m'a conduite à me pencher sur un couple qui vivait dans le duché de Lorraine durant la seconde moitié du XVIIe siècle. C'est une région où je pousse rarement mes recherches généalogiques, allez savoir pourquoi. C'est un tort, je vous l'accorde, car les registres que je viens de consulter sont fort bien tenus, aisément lisibles et riches en détails et surprises de toutes sortes.

Claude Marchal et son épouse, Catherine Geoffroy

Ils font partie de mes ancêtres à la dixième génération. Ils vivaient à Vincey(1), modeste bourgade sur la rive gauche de la Moselle, à quelques lieues au nord-ouest d'Epinal, dans l'actuel département des Vosges. De leur mariage, célébré le 6 février 1680, sont issus neuf enfants au moins, six garçons et trois filles, au rythme très régulier d'un tous les deux ans.

Source carte de Cassini, in La France à la loupe 2

Jusqu'à présent, j'avais seulement relevé les actes concernant mon ancêtre directe, Barbe Marchal, baptisée en février 1685. À l'âge de vingt-et-un ans, elle avait épousé un certain Claude François (eh oui, nul n'est parfait), berger de son état, et l'avait suivi dans plusieurs villages sur la rive droite de la Moselle, Burthecourt-aux-Chênes et Manoncourt-en-Vermois notamment, où elle décéda en septembre 1729. Elle n'avait alors que quarante-quatre ans.

L'une de ses arrière-arrière-petites-filles, Marie François, née à Metz (Moselle) en 1811, épousera un médecin militaire originaire de la Drôme, François Morel. Raison pour laquelle celle-ci finira ses jours dans la bonne ville de Pau, à un millier de kilomètres de sa région d'origine.

Un certain Nicolas Marchal

Mais revenons à notre couple mentionné plus haut. J'ai donc recherché les actes concernant les frères et sœurs de Barbe Marchal. Un seul baptême semble échapper à la sagacité des généalogistes, celui de Jean, vraisemblablement le dernier de la fratrie, en tout cas le dernier à convoler en justes noces, en février 1730, alors que ses parents sont déjà décédés.

Celui qui m'intéresse aujourd'hui, c'est Nicolas, le puîné. De deux ans plus jeune que l'aîné, Pierre, et de deux ans plus âgé que mon ancêtre Barbe, puisqu'il fut baptisé à Vincey le 15 mars 1683.

Le 31 décembre 1707, à l'âge de vingt-quatre ans, devant témoins, Nicolas Marchal fait bénir ses fiançailles avec Jeanne Ballay par le curé alors en charge de la paroisse de Vincey, Jean Claude Archambault. La cérémonie des noces a lieu le 10 janvier 1708. Un premier mariage qui donne le jour à sept enfants, cinq filles et deux garçons, de novembre 1708 à janvier 1723.

La mère rend son dernier soupir à l'âge de trente-neuf ans, en novembre 1724. Rien sur les causes du décès, alors que le curé de Vincey n'hésite pas à fournir des précisions d'ordre médical lorsqu'il en a l'opportunité : j'ai ainsi relevé au fil des pages la mention d'écrouelles(2), de pleurésie(3) ou de suite de couches.

Ce n'est pas le cas pour Jeanne Ballay : la dernière née, Catherine, aura bientôt deux ans. Nous savons toutefois que Jeanne Ballay a été confessée et qu'elle a reçu le saint viatique (eucharistie administrée aux mourants), l'extrême-onction (sacrement sous forme d'onction de saintes huiles, également destinée aux mourants) et même "l'absolution qu'on a coutume de donner aux confrères et consœurs moribonds de la confrairie du Saint Rozaire", comme le précise Nicolas Roucel, avec son orthographe si personnelle.

Le 11 novembre 1724, Jeanne Ballay est donc portée en terre dans le cimetière de Vincey, "vis à vis la grande porte de l'église paroissialle les pieds du corps de ladite deffuncte allignants le coin angulaire de la tour de ladite église". Outre Nicolas Marchal, son époux, sont présents à la sépulture son père, son beau-père, les maris de deux de ses sœurs, ainsi que des amis et des voisins.

Record battu ?

Le 25 novembre suivant, jour de la Sainte-Catherine, soit quatorze jours exactement après le décès de sa première épouse, voilà notre veuf à nouveau devant le curé de Vincey. Il est cette fois accompagné d'une certaine Anne Tassin. Pourquoi donc ? Eh bien, il s'agit de faire bénir leurs fiançailles et promesses de mariage, tout simplement ! Disons, à la décharge de Nicolas Marchal, que les derniers nés sont encore en bas âge… je ne puis néanmoins m'empêcher de penser qu'il avait réfléchi à la question, avant même les événements des derniers jours.

La demoiselle, âgée de vingt-sept ans (pour sa part, Nicolas a déjà quarante-et-un ans), est originaire de Frizon(4). Elle demeure toutefois à Vincey, car elle est domestique chez le sieur Claude Marchal, amodiateur de Madame l'Abbesse d'Epinal(5). Je précise au passage que je n'ai, à ce jour, pas trouvé de lien de parenté entre ce Claude Marchal et mes ancêtres porteurs du même patronyme, même s'il est parfois présent aux fiançailles ou au mariage de l'un ou de l'autre, apposant sur les registres sa belle signature d'une main ferme.

Signature de Claude Marchal

Mais le temps presse pour Nicolas Marchal et Anne Tassin. La période de l'Avent, temps prohibé pour les mariages tout comme le Carême, commence à peine huit jours plus tard ! Les parties promettent de solliciter monseigneur l'évêque de Toul pour obtenir dispense de deux bans. Leur célérité n'est pas prise en défaut, car le mariage est célébré à Frizon dès le mardi suivant, 28 novembre ! Dix-sept jours de veuvage à peine pour Nicolas Marchal, trois jours entre les fiançailles et les secondes noces, qui dit mieux ?

Le premier enfant du couple naît neuf mois plus tard, le 23 août 1725. Cette précision pour les esprits qui auraient peut-être imaginé une autre cause à cette précipitation. Deuxième mariage encore plus fertile que le premier, puisqu'Anne Tassin donna le jour à neuf enfants, six garçons et trois filles, entre août 1725 et juin 1740.

Nicolas Marchal aura donc eu seize enfants en trente-deux ans, mais ce n'est pas là que se niche le record, vous l'avez compris.





(1) Orthographiée Vencey dans les registres paroissiaux et sur la carte de Cassini.

(2) Lésions cutanées d'origine tuberculeuse, majoritairement localisées dans le cou, selon Le Petit Larousse illustré.

(3) Inflammation de la plèvre.

(4) Orthographiée Frison sur la carte de Cassini.

(5) L'amodiateur est l'intermédiaire entre le propriétaire des terres, ici l'abbesse d'Epinal, et l'exploitant.

1 commentaire:

  1. Remarquable, votre tableau de cette famille. Avec tout de même un peu plus de temps entre le décès de sa femme et son remariage, j'ai un cas semblable dans mes ancêtres. Comme vous le dites, quand il y avait des enfants en bas âge et même en très bas âge si leur mère était morte lors de la dernière naissance ou peu après, il fallait d'urgence une femme à la maison ! Merci de votre exposé et de ses pointes d'humour.

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