La période estivale est propice à la collecte de documents
généalogiques : j'ai profité d'un passage à Pau pour faire établir une
carte de lecteur aux Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques et
tenter d'en apprendre davantage sur un embrouillamini familial.
J'avais déjà évoqué le sujet à l'occasion du challenge
AZ 2014, consacré à ma grand-mère Julia, dans un billet intitulé H commehistoire de dot et d'héritage. Mais il me manquait un document capital pour
y voir plus clair et corriger quelques erreurs d'interprétation : le
contrat de mariage.
Maurice Maitreau et son épouse Collection personnelle |
Celui-ci fut rédigé par Maître Albert Monguilan, notaire, et
signé le 20 novembre 1900 par mon grand-père Maurice Maitreau, sa fiancée Julia
Fourcade et les parents des deux futurs époux. Il ne comporte pas moins de sept
pages, plus une annexe intercalée dans le registre des minutes notariales que
j'ai eu le loisir de consulter.
Un aperçu intéressant sur les mœurs bourgeoises de
l'époque !
Le régime matrimonial
Les futurs époux optent pour le régime de la communauté
réduite aux acquêts. En d'autres termes, chacun reste propriétaire des biens
qu'il possèderait avant le mariage, ou qu'il recevrait en donation ou en
héritage après le mariage.
La communauté comprend les biens acquis durant le mariage et
les revenus, quelle que soit leur origine (revenus d'une activité professionnelle,
loyers, intérêts, dividendes des biens tant communs que propres).
Une clause du contrat prévoit l'attribution de cette communauté
au conjoint survivant, ce qui paraît raisonnable.
Entendons-nous bien, toutefois : quand je dis que les époux choisissent
ce régime matrimonial, cela ne reflète sans doute pas tout à fait la réalité.
Si Maurice Maitreau, qui avait alors trente-et-un ans et avait fait des études
de droit, était tout à fait capable de mesurer les implications des différents
régimes, ma grand-mère, qui n'avait que dix-huit ans, n'a certainement fait que
suivre les recommandations de ses parents…
Les apports des
futurs époux
Sont d'abord énumérés les apports de Maurice Maitreau :
la charge de greffier au tribunal civil de première instance d'Oloron-Sainte-Marie,
qu'il a acquise moyennant finances quelques mois auparavant, ses effets
personnels et divers mobiliers et meubles meublants, sans autre précision. Je
note néanmoins au passage l'apport de voitures au pluriel (voitures à chevaux
s'entend), d'un cheval et de harnais : c'était le moyen de transport
privilégié à l'époque.
Sont ensuite énumérés les apports de Julia, lesquels,
contrairement à ceux de son futur époux, font l'objet d'un état détaillé en
annexe.
Certains objets me font sourire, comme ces deux statues de
cuivre représentant la Fortune et la Renommée ou ce buste en terre cuite
intitulé La Nuit. Le genre d'objets d'art qui trouvaient leur place sur la
cheminée ! À ma connaissance, ils n'ont pas traversé le temps pour venir
jusqu'à nous.
D'autres me sont plus familiers, pour les avoir vus chez mes
parents ou chez mes tantes : le service de table en porcelaine (dont
quelques assiettes sont parvenues jusqu'à moi), le service complet Christofle
(malheureusement dispersé au fil des ans), le ramasse-miettes en métal blanc
argenté, les dessous de bouteilles, la douzaine de cuillers à café en vermeil
dans leur écrin, qui n'ont pas résisté aux mains trop brusques qui les ont
utilisées…
Assiette en porcelaine, service Gascogne Collection personnelle |
Plus émouvants sont les bijoux et différents objets
personnels : la paire de boucles d'oreilles solitaires, n'est-ce pas celle
que ma grand-mère arbore sur plusieurs photos ? les jumelles de théâtre n'étaient-elles
pas en nacre, comme celles qui sont exposées sur une étagère de ma
bibliothèque ? Elles sont accompagnées d'un éventail du même style, dont
le ruban de soie n'a pas trop souffert de l'usure du temps.
Jumelles de théâtre et éventail Collection personnelle |
Figurent également sur la liste un missel, un bénitier en
marbre blanc et un prie-Dieu (la religion occupait encore une place
prépondérante).
Ce dernier éveille en moi de lointains souvenirs : je revois
un meuble qui avait pris place dans le salon de mes parents, à gauche de la
cheminée. Il était en bois clair, avec une petite armoire à double porte dont
la serrure résistait à mes mains d'enfant, pour y ranger missels, chapelets et autres
objets de piété. La tablette du dessus, légèrement inclinée, ressemblait à un
pupitre et la partie basse du meuble comportait deux plateaux, dont un monté
sur charnières, relevé pour s'agenouiller, abaissé pour s'asseoir !
Les donations
Ce fameux contrat de mariage comporte encore deux donations,
l'une préciputaire et l'autre en avancement d'hoirie(1),
accordées par les parents Fourcade à leur fille Julia. Nous y voilà ! Elles
constituent, à n'en pas douter, le nœud du conflit qui surgirait entre ma
grand-mère et deux de ses frères, près de trente ans plus tard. J'y reviendrai
en détail dans un prochain billet.
Le lieu de la
signature
Nous sommes le 20 novembre 1900, deux jours avant le
mariage civil en l'hôtel de la mairie de Pau, quatre jours avant le mariage
religieux en l'église Saint-Martin.
La signature du contrat se déroule "en la demeure de Monsieur et Madame
Maitreau, père et mère", où se sont transportés le notaire, accompagné
d'un de ses collègues, et les parents de Julia, Théodore Fourcade et son
épouse, Eugénie Caperet. Il s'agit vraisemblablement de l'appartement du 53,
rue Carnot, où le couple est recensé l'année suivante.
Est-ce significatif ? Y a-t-il une tradition en cette
matière ? S'agit-il simplement d'une question de respect dû à l'âge ?
N'oublions pas que Achille Maitreau, né en janvier 1821, était déjà presque
octogénaire, alors que Théodore Fourcade, né en juin 1855, n'avait que
quarante-cinq ans.
Quoi qu'il en soit, je ne suis pas loin de penser que les parents
Maitreau ont imposé leurs volontés aux parents Fourcade…
(1) J'expliquerai ces termes et en développerai les implications dans un prochain
billet.
Un contrat de mariage fort intéressant, ayant étudié quelques uns de cette époque j'aurais bien aimé lire des listes d'objets aussi détaillées.
RépondreSupprimerC'est une chance de pouvoir les retrouver chez toi ou chez des cousins, ces objets, précieux par les souvenirs qu'ils transmettent.
Bravo pour cette reprise, comme toujours tout est clair et on apprend toujours quelque chose
RépondreSupprimerLe lien avec la lettre H n'existe plus, me semble-t-il.
RépondreSupprimerMerci de me l'avoir signalé. Voilà, j'ai rétabli le lien.
SupprimerIl me semble que Bourdieu a étudié la propension des Béarnais à vivre ensemble, sur plusieurs générations, sous le même toit.
RépondreSupprimerhttp://www.chaslerie.fr/blog/message/17522
Ce qui m'interroge, c'est le lieu où est signé le contrat de mariage : chez les parents Maitreau, plutôt que chez les parents Fourcade…
SupprimerTiens, je l'ai retrouvé chez moi : http://www.chaslerie.fr/blog/message/16872
RépondreSupprimerDernier paragraphe, le "je" a sauté.
RépondreSupprimerMerci. Pourtant, je me relis plusieurs fois, mais… voilà, c'est corrigé.
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimerJuste pour vous dire que tout récemment, ma tante ayant racheté la maison de ma grand-mère, j'ai pu fouiller dans les objets lui ayant appartenu. Parmi eux, une paire de jumelle comme celle en photo dans votre article. A défaut de contrat de mariage (ce n'est pas une pratique familiale), j'ai pu retrouver des objets sur des photos anciennes et même des photos présentes sur des photos (ce qui parfois permet de dater l'ensemble).
La généalogie permet vraiment des découvertes passionnantes et je crois qu'une vie ne me suffira pour tout découvrir concernant ma famille.