C'est le premier dossier que j'ai consulté au Service
historique de la Défense. Il est classé dans les dossiers de pension et porte
la cote 4YF 83.863.
Alors, qu'ai-je retiré de ces quelques pièces mises à ma
disposition ? Des informations sur le parcours militaire de mon
arrière-grand-père tout d'abord, sur son aspect physique, son niveau
d'instruction et même sur certains traits de son caractère. Des informations
également sur sa situation financière et celle de sa future épouse au moment de
leur mariage en 1868. Sans compter un aperçu de la paperasserie administrative
dans le fonctionnement de l'armée au cours de la seconde moitié du XIXe
siècle.
Le parcours militaire d'Achille Maitreau, tout d'abord. Mon
ancêtre est un officier issu du rang : il commence par faire son service
militaire, à une époque où le recrutement s'effectue par tirage au sort et où
le service actif dure six ans ; pour lui, de 1842 à 1848, sous la
Monarchie de Juillet. Il est appelé comme simple soldat, "inscrit sous
le n°549 de la liste du contingent du département de Maine-et-Loire", puis gravit les différents échelons jusqu'au grade
de sergent-major. À deux reprises, il rempile pour une durée de deux ans, avant
d'opter définitivement pour la carrière militaire : adjudant en 1850,
sous-lieutenant fin 1851, lieutenant en 1857, enfin capitaine en 1865 et ce
jusqu'à sa retraite.
Collection personnelle |
Il sert successivement le 17e régiment
d'infanterie légère (devenu le 92e régiment d'infanterie de ligne en
1855), puis le 3e régiment de voltigeurs de la garde impériale sous
Napoléon III, enfin le 58e régiment d'infanterie de ligne à
compter d'août 1865.
Sur le temps qu'il passe dans l'armée, Achille Maitreau ne
participe activement qu'à deux conflits, sur le théâtre des opérations :
la campagne d'Italie de mai à août 1859 et la guerre de 1870, durant la
deuxième quinzaine d'août, jusqu'à la bataille de Sedan le 1er septembre.
À peine quelques mois sur trente ans de carrière.
La campagne d'Italie contre les Autrichiens lui vaut la
médaille d'Italie et la médaille de la valeur militaire de Sardaigne.
Vraisemblablement aussi l'admission à l'Ordre de la Légion d'honneur en tant
que chevalier, en juillet 1862. La guerre de 1870 lui vaut une blessure au bras
droit, suffisamment grave pour entraîner une très longue convalescence et
motiver sa demande d'admission à la retraite en 1873. Une proposition pour la
Croix d'officier de la Légion d'honneur n'aboutira pas.
Son aspect physique, ensuite. Selon une fiche signalétique
établie en 1851, Achille mesure 1,66m, il a un visage large, le front haut, les
yeux bruns, le nez gros, une bouche moyenne, un menton rond, des cheveux et des
sourcils noirs marqués. Des éléments peut-être suffisants pour l'identifier sur
une photo prise de nombreuses années après, le portrait d'un homme aux cheveux
blancs très fournis, en vêtements civils, arborant un ruban à la boutonnière.
Mais qui semble avoir les yeux clairs.
Archives personnelles |
Son niveau d'instruction générale : "Assez bonne instruction primaire", "Langues étrangères néant", "Quelques connaissances en histoire et en géographie", "Dessine un peu et lit une carte", tels sont les seuls éléments figurant sur deux fiches établies par l'Inspection générale des Services en 1871 et 1872. Manifestement, mon arrière-grand-père n'est pas passé par les bancs de l'université. Les quelques documents manuscrits que je possède de lui révèlent néanmoins une écriture régulière et une belle maîtrise de la langue, en dépit de quelques fautes d'orthographe qui relèvent davantage de l'étourderie que de l'ignorance des règles grammaticales.
Certains traits de son caractère. Là, les opinions
divergent. "Caractère énergique",
lit-on sur la fiche de 1871. "D'une nature très
intéressée ; caractère un peu léger et pas toujours franc", lit-on sur celle de 1872. Je n'ai guère de
doute sur l'intérêt de mon arrière-grand-père pour les biens matériels :
dans le livre de raison qu'il nous a laissé, il ne cesse de faire le point sur
ses avoirs personnels, craignant de léser sa fille Marie et de favoriser son
fils Maurice. Mais le manque de franchise ? s'agit-il de divergences
d'opinion avec ses supérieurs hiérarchiques, à une époque où la France
changeait de régime politique ? peut-être, mais comment savoir ?
Je reviendrai dans un autre billet sur le mariage d'Achille
Maitreau et d'Eugénie Morel, mais permettez-moi d'évoquer ici ce que j'appelle
la paperasserie administrative. Le moindre document figurant dans ce dossier
est tamponné, visé, signé, contresigné, portant parfois jusqu'à huit
paraphes : sous-chef, chef de bureau, chef du service intérieur,
sous-intendant militaire, trésorier, chef de bataillon, chef de corps,
capitaine, major, lieutenant-colonel, colonel, général de brigade, général de
division, sous-directeur, inspecteur général… tous y vont de leur signature
plus ou moins élégante. J'imagine le circuit de ces documents dans les couloirs
et les méandres de l'administration militaire, cela devait prendre des
semaines !
Un regret toutefois, après la lecture de ce dossier :
je sais finalement peu de choses du parcours géographique de mon ancêtre
Achille Maitreau. Dans quelles villes de garnison a-t-il séjourné et pendant
combien de temps ? Il y a bien quelques pistes au bas de certains
documents, établis à Strasbourg, à Paris, à Marseille ou à Pau, mais il va me
falloir lancer d'autres recherches (je pense notamment aux annuaires militaires
et aux historiques des régiments). La généalogie est une histoire sans fin…
Les archives nous permettent de découvrir nos ancêtres, cela est captivant et émouvant !
RépondreSupprimerPour le parcours géographique, le SHD est un puits sans fin et tu pourras sans doute trouver des informations en salle d'inventaires.